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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/95

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celui qui est venu sur la terre, et que je vous annonce, n’est pas un serviteur comme les autres prophètes ; c’est le Seigneur de tout le monde, qui doit tirer une vengeance terrible de tous-ceux qui mépriseront sa parole.
Mais après les avoir frappés de terreur, il ne les laisse point tomber dans l’abattement. Comme il avait évité d’abord de dire que Dieu eût déjà fait naître de ces pierres des enfants à Abraham, mais seulement qu’il lui était aisé de le faire ; il évite de même de dire ici que le coup est déjà donné, pour ne les pas désespérer ; mais il se contente de dire que la cognée est à la racine. Quelque proche qu’elle soit de la racine pour la couper, il dépend encore de vous d’arrêter le coup. Si vous voulez changer de vie et devenir meilleurs que vous n’êtes, Dieu retirera la cognée, et elle ne vous fera aucun mal ; mais si vous demeurez toujours les mêmes, l’arbre sera coupé jusqu’à la racine. Dieu donc fait deux choses en même temps. Il approche la cognée, et néanmoins il ne coupe pas. Il l’approche pour vous tenir toujours dans ta crainte ; et il ne coupe pas, pour vous montrer que si vous vous convertissez, vous pourrez bientôt être sauvés.
Ainsi il les épouvante de tous côtés pour les porter, et comme pour les forcer à la pénitence, Car les menaces qu’il leur fait d’être exclus de la gloire de leurs ancêtres, de la voir transférée à d’autres, et d’être exposés à des maux irréparables qui étaient déjà présents, et qu’il a marqués par cette cognée prête à couper la racine ; ces menaces, dis-je, étaient capables de réveiller les âmes les plus assoupies, et de leur inspirer le désir de la vertu.
Saint Paul use de la même conduite ; lorsqu’il écrit aux Romains : « Que Dieu réduirait son peuple à un très petit nombre. » (Rom. 9) Mais ne craignez point quand vous entendez ces menaces, ou plutôt craignez beaucoup, mais ne perciez point la confiance, puisque vous pouvez encore espérer de vous convertir. Dieu n’a pas prononcé la sentence. Ce fer tranchant ne devait pas couper l’arbre, Car qui l’en aurait empêché, puisqu’il était déjà près de la racine ; mais il ne devait que vous donner de la crainte pour vous rendre meilleurs, et pour vous forcer à porter du fruit. C’est pour ce sujet qu’il ajoute : « Tout arbre qui ne produit point de bon fruit sera coupé et jeté dans le feu » (10). Quand il dit « tout arbre », il n’excepte aucune grandeur, ni aucune dignité du monde, Quand vous descendriez d’Abraham, et que vous compteriez mille patriarches entre vos pères, cela ne servira qu’à augmenter votre punition, si vous ne portez de bons fruits. Ce fut par la sévérité de ces paroles qu’il porta la terreur et l’épouvante dans le cœur des publicains, et qu’il fit trembler les soldats, non pour les jeter dans le désespoir, mais pour les délivrer de leur indifférence. Car il les intimide de telle sorte qu’il les console en même temps, parce qu’en menaçant l’arbre qui ne porte pas de bons fruits, il fait assez voir que celui qui en porte de bons n’aura rien à craindre.
4. Vous me direz peut-être : comment pouvons-nous porter ces fruits en si peu de temps, pour prévenir le coup d’une hache qui est déjà à la racine, sans qu’on nous donne un peu de trêve et qu’on nous accorde quelque délai ? Vous pouvez prévenir ce coup. Ce fruit que l’on exige de vous n’est pas comme ce fruit qui vient sur nos arbres ; il n’a pas besoin d’un si long temps : il n’est point assujetti à la vicissitude des saisons, ni à tant de travaux nécessaires à la culture ; il suffit de vouloir, et l’arbre germe et pousse aussitôt. Ce n’est pas seulement la racine de l’arbre, mais c’est principalement le soin et l’art du jardinier qui lui font porter ses fruits. Afin donc que ce peuple ne pût pas dire : vous nous remplissez de trouble ; vous nous pressez trop, et vous nous réduisez à ne savoir plus que faire, puisqu’en nous menaçant d’une cognée qui va couper l’arbre, vous nous demandez que nous portions du fruit dans le temps même où vous ne nous parlez que de supplice, il les encourage, en leur montrant combien était facile la production de ce fruit. « Pour moi, je vous baptise avec l’eau », leur dit-il ; « mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. C’est lui qui vous baptisera par le Saint-Esprit et par le feu (11). » Il montre assez clairement par ces paroles, qu’il ne faut pour recevoir ce baptême que la foi et la volonté, et non les travaux et les sueurs ; et qu’il n’est pas moins aisé à Dieu de nous changer et de nous rendre meilleurs, qu’il ne lui est facile de nous baptiser.
Après donc qu’il a étonné les Juifs par la terreur du jugement, par l’attente du supplice, par les menaces de les couper comme un