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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/103

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gueule du lion ? Voulez-vous me livrer à lui ? Il a peur ; et ce qu’il dit, c’est pour nous faire connaître, par tous les moyens, la vertu de Paul. Que les Juifs tiennent un pareil langage, il n’y a là rien de merveilleux ; mais que ce soit Ananie qui parle ainsi et avec une telle épouvante, c’est la plus grande preuve de la puissance de Dieu.
« Saul, mon frère ». L’épouvante est grande ; mais l’obéissance est plus grande encore, après l’épouvante. Le Seigneur avait dit : « C’est un vase d’élection » ; on pouvait croire que Dieu agissait seul ; pour corriger cette pensée, le texte ajoute : « Pour porter mon nom devant les gentils, devant les rois et devant les enfants d’Israël ». Ananie entend ici ce qui devait le plus réjouir son cœur ; le persécuteur allait donc se tourner contre les Juifs. Aussi ce n’est pas de la joie seulement, mais de la confiance qui remplit l’âme d’Ananie. « Car je lui montrerai », dit le texte, « combien il faudra qu’il souffre pour mon nom ». Ces paroles révèlent l’avenir, et en même temps opèrent la persuasion : un jour, il souffrira tout, ce persécuteur si furieux, et Ananie ne veut pas le baptiser pour qu’il recouvre la vue ; tant mieux, dit Ananie, laissez-le dans sa cécité ; ce qui fait sa douceur aujourd’hui, c’est qu’il est aveugle. A quoi bon m’ordonner de lui ouvrir les yeux ? pour, qu’il continue à nous emmener prisonniers ? Eh bien ! non, ne redoutez pas l’avenir : quand ses yeux se rouvriront, ce n’est pas contre nous, mais pour nous, qu’il se servira de ses yeux ; donc, « pour qu’il recouvre la vue ». Puis il ajoute : N’ayez pas peur, il ne vous fera aucun mal ; au contraire, il souffrira un grand nombre de maux. Et ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’il souffrira d’abord ; et ensuite, il se précipitera dans les dangers. « Saul, mon frère, Jésus qui vous est apparu dans le chemin, m’a envoyé (47) ». Il ne lui dit pas : qui vous a aveuglé, mais « qui vous est apparu » ; langage plein de mesure, et qui n’a rien de présomptueux. Ainsi, de même que Pierre disait à propos du boiteux « Pourquoi nous regardez-vous comme si c’était par notre vertu ou par notre puissance, « que nous eussions fait marcher ce boiteux ? » (Act. 3,12) De même Ananie, en cette circonstance : « Jésus qui vous est apparu ». Il lui imposait les mains, en prononçant ces paroles, et la double cécité était guérie. Quant à cette observation, « ayant mangé, il reprit des forces » ; c’est pour montrer l’affaiblissement de Saul, et par suite du chagrin que lui causait sa cécité, et par suite de la peur, et par suite de la faim. Car il ne voulut prendre de nourriture qu’après qu’il eût été baptisé, et gratifié ainsi des plus précieux dons. Et Ananie ne dit pas : Jésus le crucifié, le Fils de Dieu, celui qui fait des miracles ; mais que lui dit-il ? « Qui vous est apparu ». Il ne le désigne que parce que Saul connaît de lui ; le Christ n’avait rien ajouté, n’avait pas dit : Je suis le crucifié, le ressuscité, mais : « Celui que vous persécutez ». Ananie ne lui dit pas : le persécuté, afin de ne pas prononcer des paroles de triomphe ni de sarcasme. « Qui vous est apparu », dit-il, « dans le chemin ». Sans doute, il n’a pas été vu, mais ce qu’il a opéré, l’a fait voir. Et pour alléger ce qu’il y a de pénible dans ces paroles, vite Ananie ajoute : « Afin que vous recouvriez la vue, et que vous soyez rempli du Saint-Esprit ». Ainsi, il n’est pas venu pour le confondre à propos de ce qui est arrivé, mais pour lui apporter la grâce. Quant à moi, il me semble que Saul et que Corneille ont reçu le Saint-Esprit tout de suite après que ces paroles eurent été prononcées. Cependant celui qui le communiquait, n’était pas un des douze. Qu’importe ? il n’y avait, dans ces circonstances, rien qui appartînt à l’homme, rien qui se fît par l’énergie de l’homme. C’était Dieu qui était là, opérant tout. Et, en même temps, le Seigneur fait deux choses : il enseigne à Saul la modération de la sagesse, en ne le conduisant pas vers ceux qui reçurent les premiers le titre d’apôtres ; de plus, le Seigneur montre qu’il n’y a, dans ce fait, rien d’humain. Ce qui n’empêche pas que Saul fût jugé digne de posséder l’Esprit qui donne des signes, afin que, par là encore, sa foi éclatât ; car il ne fit pas de miracle. « Et aussitôt », dit le texte, « il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, assurant qu’il est le Fils de Dieu ». Il ne prêchait pas le Christ ressuscité, le Christ – vivant ; qu’annonçait-il donc ? Il avait choisi avec une admirable précision son dogme, « que Jésus est le Fils de Dieu ». Les infidèles refusent d’ajouter foi à ces paroles, quand ils auraient dû non seulement y ajouter foi, mais les recevoir avec transport. Et pourquoi ne se bornent-ils pas à dire que c’était un persécuteur ? pourquoi disent-ils qu’il exterminait ceux qui invoquent ce nom ? Ils montraient