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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/105

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hommes. Voilà ce que doit être l’âme d’un chrétien.
4. Dès le commencement, dès les premiers pas de sa course, le caractère de Paul se déclarait ; disons mieux, même avant ce temps. Car, dans la conduite même qu’il tint avant de posséder la vraie science, il agissait conformément à la raison humaine. Si, après tant de temps, il n’éprouvait pas encore le désir de quitter la vie, à bien plus forte raison, au commencement de sa mission, quand il ne faisait que de sortir du port. Et maintenant le Christ ne l’arrache pas au danger, mais le laisse aller, parce qu’il est un grand nombre d’actions que le Seigneur tient à voir accomplir par la sagesse humaine. Autre raison encore de le laisser aller. C’est pour nous apprendre que les apôtres mêmes furent des hommes, et que ce n’est pas toujours, en toute occasion, la grâce seule qui opère ; autrement, on aurait pu ne les prendre que pour des morceaux de bois. Voilà donc pourquoi ces hommes, en beaucoup de circonstances, administraient d’eux-mêmes. Faisons ainsi pour ce qui nous concerne, et sachons, de la même manière, prendre soin du salut de nos frères. Le martyre n’est pas plus glorieux que la force qui ne refuse aucune souffrance pour procurer le salut d’un grand nombre ; rien ne réjouit tant le cœur de Dieu. Je veux redire ce que j’ai souvent dit ; je le redirai pour exprimer mon vif désir : d’ailleurs, le Christ faisait de même quand il rappelait le devoir de pardonner : « Lorsque vous priez, remettez ce que vous pouvez avoir contre quelqu’un ». (Mt. 5,23) Il dit encore à Pierre : « Je ne vous dis pas de pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois ». (Id. 18,22) Et en fait, il a pardonné lui-même le mal qu’on lui faisait ; et c’est parce que nous savons que c’est là le but du christianisme, que nous revenons sans cesse sur ce sujet.
Non, rien n’est plus froid qu’un chrétien qui ne sauve pas ses frères. Vous ne pouvez pas ici objecter la pauvreté ; la femme aux deux petites pièces de monnaie parlerait contre vous. Pierre disait : « Je n’ai ni or ni argent ». (Act. 3,6) Paul était pauvre, à tel point que souvent il ressentit la faim et manqua de la nourriture nécessaire. Vous ne pouvez pas objecter votre obscurité : les apôtres étaient obscurs et sortis d’hommes obscurs. Vous ne pouvez pas prétexter de votre ignorance dans la littérature ; eux aussi étaient des hommes sans lettres. Et seriez-vous un esclave, seriez-vous un esclave fugitif, vous pouvez toujours faire ce qui dépend de vous. Tel était Onésime ; et voyez le nom que Paul lui donne, à quelle dignité il l’élève : « Afin », dit-il, « qu’il communique avec moi dans mes liens ». (Phm. 1,10) Vous ne pouvez pas objecter vos maladies ; car Timothée aussi avait des maladies fréquentes ; écoutez la preuve qu’en donne Paul : « Usez d’un peu de vin, à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies ». (1Tim. 5,23) Il n’est personne qui ne puisse être utile au prochain, avec la volonté de faire ce qui dépend de lui. Ne voyez-vous pas combien les arbres stériles sont vigoureux, beaux, élancés, unis, élevés ; cependant, si nous avions un jardin, nous préférerions à ces arbres des grenadiers, des oliviers couverts de fruits ; car ces arbres stériles sont pour le plaisir, non pour l’utilité ; l’utilité qu’ils peuvent avoir est mince ; à eux ressemblent ceux qui ne considèrent que leur intérêt propre ; ou plutôt ils ne leur ressemblent même pas, ils ne sont bons qu’à subir la vengeance. Ces arbres stériles servent à construire des édifices, à en consolider l’intérieur. Telles étaient ces vierges, chastes, parées, pratiquant la continence, mais inutiles ; aussi on les brûle. Tels sont ceux qui n’ont pas nourri le Christ. Et maintenant, voyez : aucun d’eux n’est accusé pour ses péchés, pour ses fornications, pour ses parjures, pour rien ; la grande accusation, c’est d’avoir été inutile. Tel était celui qui enfouissait le talent ; sa vie était sans reproche, mais inutile. Comment, je vous le demande, un tel homme peut-il être un chrétien ? Répondez-moi : si le ferment, mêlé à la farine, ne transforme pas toute la pâte, est-ce, à vrai dire, un ferment ? Et encore, si un parfum n’embaume pas ceux qui approchent, pouvons-nous l’appeler un parfum ? Ne dites pas qu’il vous est impossible d’agir sur les autres ; si vous êtes chrétien, ce qui est impossible, c’est que vous n’agissiez pas. Ce qui est dans la nature n’admet pas de contradiction ; il en est de même de ce que nous disons ici : Ce que nous demandons est dans la nature du chrétien ; n’outragez pas Dieu. Dire que le soleil ne peut pas briller, c’est outrager le soleil ; dire qu’un chrétien ne peut pas être utile, c’est outrager Dieu et l’accuser de mensonge. Car il est plus facile pour le soleil de