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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/108

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le premier. S’agit-il de choisir un apôtre ? il est le premier ; s’agit-il de répondre aux Juifs accusant les apôtres d’être ivres, de guérir un boiteux, de haranguer les peuples ? on le voit avant tous les autres. Faut-il, parler aux magistrats ? c’est lui qui se montre. Quand il faut punir Ananie, opérer des guérisons par son ombre, c’est toujours lui. On le trouve partout où il y a du danger, et partout où il y a quelque chose à administrer. Quand les choses vont d’elles-mêmes, tous agissent en commun ; Pierre ne recherche pas de prérogatives d’honneur. Mais maintenant, quand il faut opérer un miracle, c’est lui qui s’élance ; et ici, c’est lui encore qui se, charge d’un travail, et qui fait un voyage. « Il y trouva un homme, u nommé Enée, qui, depuis huit ans, était couché sur un lit, étant paralytique, et Pierre lui dit : Enée, le Seigneur Jésus-Christ vous guérit ; levez-vous, et faites vous-même votre lit ; et aussitôt il se leva (33, 34) ».
Et pourquoi n’attendit-il pas que l’homme lui montrât sa foi ? pourquoi ne lui demanda-t-il pas s’il voulait être guéri ? Assurément c’est parce qu’il fallait produire un grand effet sur la foule, que ce miracle s’opéra. Aussi combien l’utilité en fut grande ! Écoutez ce que le texte ajoute : « Tous ceux qui demeuraient à Lydde, et à Sarone, virent cet homme guéri, et ils se convertirent au Seigneur (33) ». Pierre a donc eu raison de parler ainsi. C’était un homme connu de tout le monde, et, pour prouver la vérité du miracle, l’apôtre lui ordonne d’emporter son grabat. En effet, les apôtres ne se bornaient pas à guérir ; mais, avec la santé, ils rendaient aussi la force. D’ailleurs, ils n’avaient pas encore donné de preuves de leur puissance ; il n’est pas étonnant que le paralytique ne fût pas tenu de croire, puisque le boiteux n’avait pas dû manifester sa foi. De même que le Christ, lorsqu’il commença d’opérer des miracles, n’exigeait pas la foi, de même firent les apôtres. A Jérusalem, on exigeait la foi ; de là vient qu’à cause de leur foi tous les malades étaient exposés dans les rues, afin que l’ombre de Pierre, venant à passer, s’étendît au moins sur quelqu’un d’entre eux. A Jérusalem, en effet, il y avait eu beaucoup de miracles ; mais c’était pour la première fois qu’on en voyait à Lydde. Parmi les miracles, les uns avaient pour but d’attirer les infidèles, les autres de consoler ceux qui partageaient la foi. « Il y avait aussi à Joppé, entre les disciples, une femme nommée Thabite, ou en grec, Dorcas ; elle était remplie de bonnes œuvres et des aumônes qu’elle faisait. Or, il arriva en ce temps-là, qu’étant tombée malade, elle mourut ; et, après qu’on l’eut lavée, on la mit dans une chambre haute ; et comme Lydde était près de Joppé, les disciples, ayant appris que Pierre y était, envoyèrent vers lui deux hommes pour le prier de venir auprès d’eux (36, 37, 38) ».
Pourquoi les disciples attendirent-ils qu’elle mourût ? Pourquoi ne se pressèrent-ils pas d’importuner Pierre ? C’est que, dans leur sagesse, ils regardaient comme inconvenant d’importuner les apôtres pour de telles choses, et de les arracher à la prédication. Et si le texte dit que Joppé était près de Lydde, c’est pour montrer que, vu la proximité, les disciples demandaient ce qui pouvait se faire sans dérangement (cette femme faisait partie des disciples) ; et qu’ils n’y attachaient pas une extrême importance. « Pierre partit aussitôt, et s’en alla avec eux. Lorsqu’il fut arrivé, ils le menèrent à la chambre haute (39) ». Ils ne lui demandent rien, ils s’en rapportent à lui, pour la rendre à la vie, si c’est sa volonté ; et ainsi se trouve accomplie cette parole : « L’aumône délivre de la mort (Tob. 12,9). « Et toutes les veuves l’entourèrent, en pleurant, et lui montrant les tuniques et les robes que Dorcas leur faisait ». C’est dans la chambre où cette morte était exposée qu’ils conduisent Pierre, avec la pensée peut-être que ce spectacle serait pour lui une occasion de manifester la sagesse chrétienne. Voyez-vous tout ce que cette conduite dénote de progrès dans la sagesse ? Et le nom de cette femme n’est pas rappelé au hasard, il montre la conformité de son nom et de sa vie : une femme vigilante, alerte, comme une chèvre, Dorcas ; car il y a beaucoup de noms qui portent en eux-mêmes leur raison ; nous vous l’avons souvent dit. « Elle était remplie », dit le texte, « de bonnes œuvres, et des aumônes qu’elle faisait ». Grand éloge pour cette femme, d’avoir fait ses bonnes couvres et ses aumônes, de manière à en être remplie. Or, il est manifeste qu’elle s’appliquait d’abord aux bonnes couvres, ensuite aux aumônes, « qu’elle faisait », dit le texte. Grande humilité. Ce n’est pas ce qu’on voit chez nous ; tous alors attachaient une grande importance à