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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/110

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et ils l’appellent, et Pierre consent, il vient, il ne se formalise pas de ce qu’on le fait venir ; c’est un grand bien que la tribulation, qui rapproche ainsi nos âmes. Et maintenant, pas de larmes, pas de sanglots. « Après qu’on l’eut lavée, on la mit dans une chambre haute », c’est-à-dire, on lui fit tout ce qui convient aux morts. « Pierre partit aussitôt et s’en alla avec eux. Lorsqu’il fut arrivé dans la chambre haute, il se mit à genoux et en prières, et, se tournant vers le corps, il dit : Thabite, levez-vous ». Dieu ne permet pas tous les signes avec la même facilité ; celui-ci était dans l’intérêt des disciples. Dieu ne s’inquiétait pas seulement de sauver les autres hommes, il voulait aussi le salut de ses serviteurs. Donc celui dont l’ombre seule guérissait tant de malades, s’applique maintenant et fait tout pour ressusciter cette femme. Il faut dire aussi que la foi des assistants coopérait à cette œuvre. Donc, il ressuscite cette morte d’abord en l’appelant par son nom. Cette femme, comme si elle se réveillait, ouvrit d’abord les yeux ; à la vue de Pierre, elle se mit aussitôt sur son séant, et enfin, sentant sa main, la voilà raffermie. Quant à vous, considérez ici le fruit qu’il vous faut recueillir, l’utilité du miracle, et non le spectacle. Si Pierre fait sortir tout le monde, c’est pour imiter son Maître. En effet, là où se versent les pleurs, un si grand mystère n’est pas à sa place ; disons mieux, là où s’opèrent les miracles, il ne faut pas de larmes. Écoutez, je vous en conjure, quoique nos yeux ne voient plus rien de pareil, il n’en est pas moins vrai que, maintenant encore, au milieu des morts, s’accomplit un grand mystère. Voyons, répondez-moi, si, pendant que nous sommes ici, l’empereur appelait quelqu’un de nous à sa cour, faudrait-il donc pleurer et gémir ? Des anges se présentent, envoyés du ciel, c’est du ciel qu’ils viennent, de la part du souverain Seigneur, pour appeler leur compagnon d’esclavage, et vous pleurez, et vous ne comprenez pas le mystère qui s’accomplit ? Combien redoutable est ce mystère, comme il est fait pour exciter l’épouvante, et, en même temps, combien il mérite et nos chants d’allégresse et notre joie !
4. Comprendrez-vous enfin qu’il n’y a pas là un sujet de larmes ? Ce mystère est la plus grande marque de la sagesse de Dieu. Comme on abandonne une maison, ainsi fait l’âme, pressée de se réunir à son Seigneur. Et vous êtes dans le deuil ? Il fallait donc pleurer à la naissance de l’enfant, car la dernière naissance est bien plus heureuse. L’âme s’en va vers une autre lumière ; elle s’échappe comme d’une prison ; elle retourne comme on revient, d’un combat. Sans doute, m’objectera-t-on ; mais vous parlez des justes ; et que t’importe, ô homme ? auprès des justes éprouves-tu ce que je dis ? Eh bien, dites-moi, que peut-on reprocher à l’enfant, au petit enfant ? Pourquoi votre deuil pour le nouveau baptisé, car, pour celui-ci encore, la condition est la même ? Pourquoi donc votre deuil ? Ne voyez-vous pas que c’est comme un pur soleil qui s’élève ? que l’âme pure, quittant son corps, est une lumière brillante ? L’empereur, faisant son entrée dans la ville, ne mérite pas le silence de l’admiration autant que l’âme rejetant son corps pour s’en aller avec les anges. Réfléchissons donc sur l’âme, sur le saisissement, sur l’admiration, sur la volupté qu’elle éprouve. Pourquoi votre deuil, encore une fois ? Ne pleurez-vous donc que sur les pécheurs ? Plût au ciel qu’il en fût ainsi ! Je ne l’empêcherai pas ce deuil-là ; plût à Dieu que telle en fût la cause ! De là les larmes apostoliques ; de là les larmes du Seigneur. Jésus aussi, Jésus pleura sur Jérusalem. Je voudrais que ce fût à ce caractère qu’on reconnût le deuil ; mais lorsqu’aux exhortations qu’on vous adresse, vous n’opposez que des mots, l’habitude, les liaisons rompues, la protection qui vous est enlevée, vous ne parlez pas du vrai deuil, je ne vois là que des prétextes. Faites le deuil du pécheur, versez sur lui des larmes ; et moi aussi, j’en verserai avec vous, j’en verserai plus que vous, d’autant qu’il est plus exposé aux châtiments, le pécheur ; et moi aussi, je me lamenterai, et de mes lamentations je vous dis la cause, et ce n’est pas vous seulement qui devez pleurer le pécheur, mais la cité tout entière et tous ceux que vous rencontrez, comme vous pleurez sur les malheureux que l’on mène à la mort, car c’est la réalité, c’est une mort sinistre que celle des pécheurs. Mais toutes les idées sont confondues. Voilà le deuil que commande la sagesse, qui est un grand enseignement, l’autre n’est que faiblesse, pusillanimité. Si nous sentions tous le vrai deuil, nous corrigerions les vivants. Si l’on vous donnait des remèdes contre la mort qui frappe les corps, vous ne manqueriez pas d’y