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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/111

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recourir ; si vous saviez pleurer la mort du pécheur, vous l’empêcheriez, vous l’écarteriez, et de vous, et de lui.
Mais, ce que nous voyons c’est une énigme ; nous pourrions empêcher cette mort, nous ne l’empêchons pas ; et, quand elle arrive, nous nous livrons au deuil. O hommes, vraiment dignes d’être pleurés ! quand ils se présenteront au tribunal du Christ, quelle parole entendront-ils, quel traitement leur faudra-t-il subir ? C’est en vain qu’ils ont vécu, ou plutôt non, ce n’est pas en vain, mais c’est pour leur malheur. Il convient de dire, en parlant d’eux : « C’eût été un bien pour eux de ne pas être nés ». (Mc. 14,21) Car quelle utilité pour eux, répondez-moi, d’employer tara de temps pour assurer le malheur de leurs têtes ? S’ils n’avaient fait que le perdre, la perte ne serait pas si grande. Répondez-moi : qu’un mercenaire dissipe vingt ans de sa vie en labeurs inutiles, ne le verrez-vous pas se lamenter et {; émir ? Ne paraîtra-t-il pas le plus misérable de tous les hommes ? Eh bien, voici un pécheur qui a dissipé, sans profit, sa vie entière ; il n’a pas vécu un seul jour pour lui ; il a tout livré aux plaisirs, à la luxure, à la cupidité, au péché, au démon ; ne devons-nous pas le pleurer ? répondez-moi. N’essaierons-nous pas de l’arracher à ses dangers ? Car nous pouvons, oui, nous pouvons, nous n’avons qu’à le vouloir, alléger son châtiment. Prions pour lui sans cesse, faisons l’aumône. Quand ce pécheur serait indigne, Dieu nous exaucera. Si en faveur de Paul, il a sauvé des pécheurs ; si en faveur des uns il fait grâce aux autres, pourquoi, par égard pour nous, ne le ferait-il pas ? Faites-vous des richesses de votre prochain, de vos propres richesses des ressources de qui vous voudrez, un moyen de secours ; versez l’huile goutte à goutte, ou plutôt épanchez l’eau en abondance. Un tel n’a pas les moyens de faire l’aumône ? qu’il puisse au moins avoir pour lui les aumônes de ses parents ; il ne peut pas se prévaloir des aumônes qu’il a faites ? qu’il montre au moins les aumônes faites pour lui. C’est ainsi que l’épouse priera avec confiance dans l’intérêt de l’époux, présentant pour lui le prix qui le rachètera ; et plus il a été pécheur, plus il a besoin de l’aumône. Et ce n’est pas là la seule raison c’est qu’il n’a plus maintenant la même force qu’autrefois, ou plutôt il a bien moins de pouvoir. Ce n’est pas la même chose pour le salut de travailler pour soi ou de laisser travailler les autres. Ce dernier moyen étant par lui-même moins efficace, compensons du moins ce désavantage à force de zèle.
Ce n’est pas auprès des monuments, ce n’est pas auprès des sépulcres qu’il nous faut nous fatiguer ; protégez les veuves, voilà le plus grand des devoirs à rendre aux morts. Prononcez un nom, et dites à toutes les veuves qui entendent ce nom, d’adresser à Dieu leurs prières, leurs supplications, voilà qui apaisera le Seigneur. Si Dieu ne regarde pas celui qui n’est plus, il regardera celui qui fait l’aumône dans l’intention du mort ; preuve touchante de la bonté de Dieu. Les veuves qui vous entourent, en versant des larmes, peuvent vous affranchir, non pas de la mort présente, mais de la mort à venir. Un grand nombre d’hommes ont été fortifiés par les aumônes des autres à leur intention. Supposez qu’ils n’aient pas été entièrement délivrés, ils ont du moins reçu quelque consolation ; s’il n’en était pas ainsi, expliquez le salut des petits enfants. Certes, d’eux-mêmes, ils ne méritent rien, leurs parents seuls font tous les frais ; souvent des femmes ont reçu et conservé, comme présents du Seigneur, des enfants qui n’avaient rien fait pour être sauvés. Le Seigneur nous a donné, pour le salut, des ressources nombreuses, c’est à nous de ne pas les négliger.
5. L’aumône ? répondra-t-on. Mais si l’on est pauvre ? A mon tour je réponds : La valeur de l’aumône, ce n’est pas le don, mais l’intention. Donnez dans la mesure de vos ressources, et vous avez payé votre dette. Mais, m’objectera-t-on, un étranger qui est seul, qui ne connaît personne ? Et pourquoi ne connaît-il personne ? dites-moi. Cela même est un châtiment de n’avoir pas un ami, de ne pas connaître un honnête homme. Si nous ne sommes pas, par nous-mêmes, en possession de la vertu, sachons au moins nous faire des amis vertueux, nous ménager une épouse, un fils qui ait la vertu en partage, afin que nous puissions, par eux, en recueillir quelque fruit, un fruit si mince qu’il soit, mais enfin que nous puissions recueillir. Procurez-vous, non pas une épouse riche, mais une épouse vertueuse ; ce sera votre consolation ; appliquez-vous à donner à votre fils, non la fortune, mais la piété ; à votre fille, la chasteté ; ce sera, pour vous encore, une consolation. Si c’est à de tels biens que vous attachez votre cœur, et vous aussi,