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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/117

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sans dessein que le texte ajoute : « Tout le peuple rendait de lui témoignage ». C’était pour prévenir le reproche d’incirconcision. Les Juifs mêmes, dit le texte, lui rendent témoignage ; donc il n’est rien d’égal à l’aumône ; disons mieux : si grande est l’efficacité de l’aumône, lorsque les mains qui la dispensent sont pures, que, si les trésors injustement amassés ressemblent à des sources d’où jaillirait de la boue, les dons qu’épanche l’aumône ressemblent aux eaux limpides et pures, aux ruisseaux du paradis, plein de charmes pour la vue, de charmes pour le toucher, répandant au milieu du jour une douce fraîcheur ; telle est l’aumône. Sur les rives de cette source ne s’élèvent pas des peupliers, des pins, des cyprès, mais des plantes bien supérieures et beaucoup plus élevées : l’amour de Dieu, la considération auprès des hommes, la gloire rejaillissant jusqu’à Dieu, l’amour de tous, la rémission des péchés, la plénitude de la confiance, le mépris des richesses ; l’aumône qui alimente l’arbre de la charité. Rien, en effet, n’entretient la charité autant que la miséricorde. C’est par elle que l’arbre élève ses rameaux dans les airs. Cette source vaut mieux que le fleuve du paradis ; elle n’est pas divisée en quatre branches, elle touche le ciel même. C’est d’elle que sort le fleuve, rejaillissant dans la vie éternelle. (Jn. 4,14) La mort y tombe comme l’étincelle dans l’eau, où elle s’éteint, tant il est vrai que partout où elle jaillit, elle opère des biens ineffables ! elle éteint le fleuve de feu comme l’eau fait d’une étincelle ; elle étouffe lever sinistre et le réduit à rien. Qui possède cette source ne grince pas des dents ; cette eau tombant sur les fers, les brise ; tombant sur les fournaises, les éteint toutes à l’instant.
4. Et comme le fleuve du paradis, on ne la voit pas tantôt verser des ruisseaux, tantôt se dessécher (s’il en était ainsi ce ne serait plus une source). C’est une source toujours jaillissante. Notre source épanche toujours des eaux plus abondantes, avant tout sur ceux qui ont le plus besoin de miséricorde ; et, en même temps, la source est inépuisable. Et qui la reçoit se réjouit. Voilà l’aumône. Ce n’est pas seulement un courant rapide, mais un courant non interrompu. Veux-tu faire pleuvoir sur toi, des divines fontaines, la miséricorde de Dieu ? commence par avoir ta source à toi ; rien ne vaut ce trésor. Si tu ouvres les issues de cette source, l’écoulement sera tel que tous les abîmes en seront comblés. Dieu n’attend de nous que l’occasion d’épancher sur nous tous les trésors qu’il tient en réserve. Dépenser, prodiguer, voilà, pour lui, la richesse, voilà l’abondance. Elle est grande l’ouverture de cette source ; pur et limpide en est le courant. L’ouverture, ne la bouchez pas, n’obstruez pas le courant, qu’aucun arbre stérile ne se dresse auprès pour en absorber les eaux. Avez-vous des richesses ? ne plantez pas là des saules ; tels sont les plaisirs, attirant tout à soi, n’ayant rien à montrer, ne portant pas de fruits ; ne plantez pas de pins, ni rien de semblable, rien, de ce qui dépense et ne produit point. Tel est le plaisir de la toilette : c’est beau à voir, mais inutile ; remplissez les abords avec de la vigne ; tous les arbres fruitiers que vous voudrez, plantez-les, dans les mains des pauvres. Rien n’est plus gras que cette terre-là. La capacité de la main est peu de chose, et pourtant, l’arbre planté là, s’élève jusqu’au ciel, et tient bon. Voilà ce qui s’appelle vraiment planter ; car, si ce qu’on plante en terre ne meurt pas tout de suite, c’est pour périr dans cent ans. A quoi bon planter des arbres dont tu ne peux jouir ? Avant que tu en jouisses, la mort arrive, et t’enlève ; l’arbre dont je te parle, à ta mort, te donne son fruit. Si tu plantes, ne plante pas dans le ventre inutile de la gloutonnerie, le fruit s’en irait où chacun sait ; mais plante dans les entrailles fertiles de l’affliction, dont le fruit bondit jusqu’au ciel. Fais goûter le repos à l’indigent déchiré dans les sentiers étroits, si tu ne veux pas voir l’affliction rétrécir ton large chemin. Ne remarques-tu pas que les arbres, arrosés sans mesure, ont les racines pourries ; au contraire, ceux qu’on arrose modérément, s’accroissent et grandissent. Eh bien ! n’inonde pas ton ventre d’un excès de boisson, ne fais pas pourrir la racine de L’arbre. Donne à boire à celui qui a soif, afin que l’arbre porte son fruit. Le soleil préserve de pourriture les arbres arrosés modérément ; mais ceux qu’on arrose sans fin, il les pourrit, voilà ce que fait le soleil. Partout l’excès est funeste, fuyons-le donc, pour obtenir ce que nous désirons. C’est, dit-on, sur les hauteurs que jaillissent les sources ; tenons donc nos âmes dans les hauteurs, et bientôt l’aumône en découlera ; car il est impossible, sans la miséricorde, qu’une âme soit