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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/128

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maintenant que vous êtes renseignés, apaisez-vous ; mais que leur dit-il ? il soutient leur assaut ; on l’accuse, il se justifie. « Qui étais-je pour empêcher le dessein de Dieu ? » Défense éloquente et efficace ; je ne pouvais pas empêcher ; de sorte qu’ils finirent par se tenir en repos et glorifier Dieu.
3. C’est ainsi que nous devons, nous aussi, dans les biens qui arrivent au prochain, glorifier Dieu, au lieu de proférer des paroles insultantes comme le font un grand nombre des nouveaux baptisés, quand ils en voient d’autres aussitôt après le baptême partir de cette vie. Il faut glorifier Dieu, même de ce qu’il ne permet pas de rester. Car, si vous le voulez, vous avez reçu, vous, un plus grand don, je ne parle pas du baptême (car l’autre le partage avec vous), mais vous avez reçu le temps d’ajouter à votre glorification. L’autre a revêtu la robe, et il ne lui a pas été permis de s’y distinguer ; mais, à vous, Dieu a donné un pouvoir considérable pour faire un noble usage de vos armes, pour les essayer ici-bas. L’autre s’en va, n’ayant que le salaire de la foi ; vous, vous restez dans le stade et vous pouvez recevoir beaucoup de récompenses pour vos œuvres, et paraître un jour surpasser cet autre, autant que le soleil surpasse la plus petite des étoiles, autant que le général surpasse le dernier des soldats ; disons mieux, de toute la différence entre le dernier des soldats et l’empereur. Donc n’accusez que vous-mêmes ; ou plutôt ne vous accusez pas, mais corrigez-vous toujours. Car il ne suffit pas d’accuser, il faut lutter. Vous êtes renversés ? Vous avez reçu de cruelles blessures ? Relevez – vous, rentrez en possession de vous-mêmes ; vous êtes encore sur le stade, vous êtes encore sur le théâtre. Ne voyez-vous pas combien de combattants, jetés par terre dans la mêlée, ont recommencé la bataille ? Seulement ne tombez pas volontairement, vous portez envie à celui qui est parti ? Félicitez-vous vous-mêmes bien plus que lui. Celui-là est affranchi du péché ; mais vous, vous n’avez qu’à vouloir, et, non seulement vous expierez vos fautes, mais, de plus, vous vous enrichirez de bonnes œuvres ; ce qui, pour l’autre, est impossible. Nous pouvons nous exciter nous-mêmes.
Ils sont grands, les remèdes de la pénitence, que nul donc ne désespère. Il n’y a réellement de désespéré que celui qui désespère de lui-même ; celui-là ne peut plus attendre de salut. L’affreux malheur, ce n’est pas de tomber dans un abîme de maux, mais d’y rester étendu, après y être tombé ; l’impiété, ce n’est pas de tomber dans l’affreux abîme, mais d’y rester dans l’insouciance, après y être tombé. Est-ce ainsi que ce qui doit éveiller toutes vos inquiétudes, ne fait qu’ajouter à votre insouciance ? – Mais vous avez, dans votre chute, reçu tant de blessures ! – Aucune blessure de l’âme n’est incurable ; le corps en a d’incurables ; l’âme, pas une. Le corps est-il blessé, nous prenons mille soins qui nous fatiguent ; les blessures de l’âme nous laissent plein de nonchalance. Ne voyez-vous pas le peu de temps qu’il a fallu au larron pour tout réparer ? Ne voyez-vous pas le peu d’instants qui suffisent aux martyrs, pour consommer leur victoire ? Mais ce n’est plus le temps des martyrs ? Mais c’est toujours le temps des combats, je le redis sans cesse, nous n’avons qu’à vouloir. « Car ceux qui veulent », dit l’apôtre, « vivre dans la piété en Jésus-Christ, seront persécutés ». (2Tim. 3,12) Ceux qui vivent dans la piété subissent toujours la persécution, si non de la part des hommes, au moins de la part des démons ; persécution plus terrible que toutes les autres. Et d’abord la persécution qui vient de la négligence. La croyez-vous donc à mépriser la persécution que produit la négligence, le plus terrible des fléaux, mal plus funeste que ce qu’on appelle la persécution ? Comme une eau courante, la négligence détrempe l’âme ; ce qu’est l’hiver comparé à l’été, voilà la négligence comparée à la persécution. Et ce qui prouve combien est plus détestable la persécution de la négligence, c’est qu’elle jette l’âme dans l’assoupissement ; c’est qu’elle l’engourdit dans le relâchement et l’indolence, c’est qu’elle éveille toutes les passions ; elle arme l’orgueil, elle arme la volupté, elle arme la colère, l’envie, la vaine gloire, la basse jalousie. Dans la persécution ordinaire, aucune de ces passions ne saurait nous troubler ; la terreur qui envahit l’âme écarte, pour ainsi dire, de son fouet, le chien aboyant ; empêche tout grondement des mauvais instincts. Qui donc, dans la persécution, se livre à la vaine gloire ? qui donc cède à la volupté ? Personne. Le tremblement, l’épouvante opère la tranquillité, prépare le port où l’on goûte la paix, dispose l’âme à la piété.