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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/134

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utilité de la famine. Regardez, dans leur tribulation, ils ne fondent point comme nous en larmes et en gémissements ; mais ils se livrent à un travail immense et plein de zèle, car ils annoncent la parole avec une plus grande liberté. Ils ne disaient pas : Nous, gens de Cyrène et de Chypre, oserons-nous entreprendre la conquête de cette grande et brillante cité mais, confiants dans la grâce de Dieu, ils entreprirent d’enseigner la doctrine, et les autres ne dédaignèrent pas de se faire instruire par eux. Voyez toutes les choses accomplies par ces petits, la prédication étendue, ceux qui sont à Jérusalem prenant soin de tout le reste ensemble, et dirigeant la terre entière comme une seule maison. Ils apprennent que Samarie a reçu la parole de Dieu, et ils y envoient Pierre et Jean ; ils apprennent ce qui se passe à Antioche, ils y envoient Barnabé. La route était longue, il ne fallait pas que les apôtres s’absentassent longtemps, de peur qu’on ne s’imaginât qu’ils avaient pris la fuite et quitté leurs disciples. Ils s’éloignent par nécessité, lorsqu’ils voient l’état désespéré de la nation juive, lorsque d’ailleurs la guerre est imminente, et que ce peuple doit être anéanti, et que la sentence est portée. Ils restèrent à Jérusalem jusqu’à l’époque où Paul partit pour Rome lis partent donc, non par crainte de la guerre, puisqu’ils allaient chez le peuple qui devait la faire ? La guerre commence après la mort des apôtres, et la parole dite contre les Juifs reçoit son accomplissement. « La colère de Dieu contre eux touche à sa fin ». (1Thes. 2,16) La grâce brilla d’un éclat d’autant plus vif, que les apôtres étaient plus obscurs, elle fit de grandes choses par de faibles instruments.
Mais reprenons ce qui a été dit : « Il les encourageait tous à persévérer dans le Seigneur », dit le texte, « parce qu’il était un homme bon ». Il me semble que le mot bon signifie un homme simple, sans détours, embrasé d’ardeur pour le salut du prochain. C’était non seulement un homme bon, mais encore rempli de l’Esprit-Saint et de foi. C’est pour cela qu’il les exhortait tous, selon la disposition de son cœur, avec des éloges et des encouragements. Remarquez que, comme une terre féconde, cette ville reçut la parole, et produisit de grands fruits. Pourquoi donc Barnabé fit-il sortir Paul de Tarse pour l’amener à Antioche ? Ce n’est pas sans raison, mais parce qu’il y avait là grande espérance la ville est vaste, et la population nombreuse. Voyez comme c’est la grâce qui fait tout, et – non point Paul ; considérez aussi comment cette couvre a été commencée par d’obscurs ouvriers : dès qu’elle commence à briller, les apôtres y envoient Barnabé. Mais pourquoi ne l’y envoyèrent-ils pas plus tôt ? Ils agissaient avec une grande circonspection, en ce qui les concernait, et ils ne voulaient pas se faire reprocher par les Juifs d’admettre les gentils. Cependant comme l’admission des gentils dans l’Église était nécessaire, et qu’il devait y avoir une discussion à ce sujet, le fait de la conversion de Corneille la précède. C’est alors que se prononce cette parole : « Pour que nous, nous allions chez les gentils, et eux chez les circoncis ». Mais voyez combien heureusement la famine établit des relations entre les convertis de la gentilité et les fidèles de Jérusalem. Ceux-ci reçoivent donc ce que leur envoient leurs frères. Les chrétiens de ce temps-là, plus courageux que nous, avaient autre chose que des larmes à opposer au malheur. Quoi qu’il en soit, les chrétiens vivaient désormais avec plus de liberté, loin de ceux qui les pouvaient gêner, au milieu d’hommes qui n’avaient rien à craindre des Juifs. Ce qui ne contribuait pas peu au progrès de l’œuvre. Ils émigrèrent même à Chypre, où la sécurité et la liberté étaient plus grandes. « Ils n’enseignaient la parole à personne, si ce n’est aux Juifs ». Ce n’était pas par la crainte des hommes qu’ils ne comptaient pour rien ; mais par respect pour la loi, dont ils supportaient encore le fardeau. « Il y avait à Antioche des hommes de Chypre et de Cyrène », ceux-ci surtout ne s’occupaient guère des Juifs. Ces hommes conversaient avec les Grecs, « et leur annonçaient le Seigneur Jésus ». Peut-être est-ce parce qu’ils ne savaient pas parler hébreu, qu’on les appelait grecs. « Lorsque Barnabé fut arrivé et qu’il eût vu l’œuvre de la grâce de Dieu » (non l’œuvre des hommes), « il les exhortait à persévérer dans le Seigneur ». Peut-être, ces louanges et ces félicitations données par lui à la foule, en convertirent plusieurs. Mais d’où vient qu’on n’écrit pas à Paul, et qu’on envoie Barnabé à Antioche ? Les apôtres ne connaissaient pas encore la vertu de cet homme, et c’est pour cela qu’il fut décidé d’envoyer Barnabé. Comme la multitude était grande, et aussi parce que