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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/135

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personne n’y mettait d’obstacle, la foi germa facilement ; et surtout parce qu’il n’y avait aucune épreuve à subir, parce que Paul prêchait, et qu’il n’y avait aucune nécessité de fuir ; c’est avec raison que des prophètes, et non les apôtres eux-mêmes, prédisent la famine ; ce ministère les eût rendus odieux. On peut à bon droit s’étonner que les habitants d’Antioche ne se soient point offensés d’être initiés à l’Évangile par ces docteurs de second ordre, et qu’au lieu de se tenir pour méprisés, ils aient été satisfaits, tant ils avaient d’ardeur pour la parole de Dieu. Les apôtres n’attendirent pas le temps de la famine, et envoyèrent Barnabé avant qu’elle fût venue. « Chacun donnait suivant ses moyens ».
3. Remarquez que, dans le conseil des apôtres, on confie cette œuvre à d’autres personnes : Paul et Barnabé sont envoyés à Antioche. C’est par une grande prévoyance qu’on agit ainsi. D’ailleurs l’œuvre était commencée, il n’y avait plus lieu de s’en scandaliser. Aujourd’hui personne ne fait de même, quoique la famine soit plus grande que celle d’alors. Un fléau qui fait souffrir tout le monde, sans exception, est chose plus grave sans comparaison qu’une famine, dont les plus pauvres souffrent seuls, tandis que les autres sont dans l’abondance. Alors il n’y avait qu’une espèce de famine, et les pauvres eux-mêmes donnaient. « Chacun donnait suivant ses moyens ». Aujourd’hui il y a double famine, comme double abondance : une dure famine, non pas celle qui fait désirer d’entendre la parole de Dieu mais celle qui doit être soulagée par l’aumône. Alors les pauvres de Jérusalem, et les habitants d’Antioche qui leur envoyèrent de l’argent, profitèrent les uns et les autres de la famine, ceux-ci toutefois plus que ceux-là ; maintenant, les pauvres et nous, nous souffrons de la famine : les pauvres, parce qu’ils sont dépourvus de la nourriture nécessaire ; nous, parce que nous sommes privés de la miséricorde de Dieu. Rien n’est plus nécessaire que cette dernière nourriture. On n’a pas à subir les maux qui naissent de l’abondance. Le trop plein de cette nourriture n’est point à rejeter aux lieux secrets ; rien de plus admirable, rien de plus sain qu’une âne qui en est rassasiée. Elle habite une région où n’arrive ni maladie, ni famine, ni infirmité d’aucune sorte : rien ne peut la vaincre. Mais de même que le fer, non plus qu’aucune autre substance, ne saurait entamer un corps de diamant ; de même rien ne pourra triompher d’une âme corroborée par l’aumône. Qui donc, dites-le-moi, pourrait la dompter ? La pauvreté ? Non, car elle est appuyée sur les trésors des rois. Le voleur et le bandit ? Mais personne ne peut transpercer ses murailles. Les vers ? Mais son trésor est dans un lieu inaccessible à ce fléau. La jalousie et l’envie ? Mais elle ne saurait en être atteinte. Les calomnies et les embûches ? Cela non plus. Ce trésor est inviolable. Mais j’aurais honte de montrer seulement les inconvénients dont est affranchie l’aumône, si je ne parlais aussi des avantages qu’elle possède, non seulement, elle est à l’abri de l’envie, mais elle est comblée de bénédictions même par ceux qui ne reçoivent pas ses bienfaits. De même que les hommes cruels et sans pitié n’ont pas seulement pour ennemis les victimes de leurs injustices, mais aussi ceux qui n’ayant rien souffert d’eux ont compassion de leurs victimes et les accusent ; ainsi ceux dont la vie est un tissu de bonnes œuvres, n’obtiennent pas seulement les louanges de ceux à qui ils ont fait du bien, mais encore celles des autres hommes. Que dis-je, que l’envie ne peut rien contre elle, et qu’elle est à l’abri des trames des méchants, des voleurs et des bandits ? Ce n’est pas là son seul bonheur ; non seulement elle ne subit pas d’amoindrissement, mais elle s’accroît et se multiplie. Qu’y a-t-il de plus ignoble que Nabuchodonosor ? Quoi de plus honteux ? Qui fut plus injuste que lui ? C’était un homme impie ; il vit mille présages, mille signes précurseurs, et il ne voulut pas se repentir ; au contraire, il précipita les serviteurs de Dieu dans la fournaise ardente, bien qu’après cela il ait adoré le Seigneur. Que lui dit donc le prophète : « O roi, que mon conseil trouve grâce devant vous ; rachetez vos péchés par l’aumône, et vos iniquités par la pitié pour les pauvres, peut-être le pardon viendra pour vos fautes ». (Daniel, 4,24) Il lui parla ainsi, sans hésiter (car il était persuadé) ; il voulut le porter à une crainte plus grande, et lui montrer D’extrême nécessité d’agir ainsi. S’il eût parlé par affirmation, le roi eût été plus négligent. C’est ainsi que nous vous pressons aussi quelquefois, lorsque nous disons : Exhortez tel et tel, et nous n’ajoutons pas qu’il vous écoutera certainement, mais que peut-être il vous écoutera. Car le doute cause une plus grande