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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/150

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leur envoyèrent dire : Hommes, nos « frères, si vous avez quelque discours d’exhortation pour le peuple, parlez ». Remarquez qu’ils agissent alors sans, nulle envie ; après, il n’en fut plus de même. Vous auriez dû, ô Juifs, désirer plus que jamais entendre les apôtres, après les avoir entendus une fois. Mais, ô amour de la puissance, ô amour de la vaine gloire, comme tu perds et détruis tout ! Cette passion pousse les hommes à travailler contre leur propre salut et contre celui des autres ; elle rend tellement infirme et aveugle, qu’il faut chercher des conducteurs. Plût au ciel qu’il en fût même ainsi ! Plût au ciel que les gens avides de vaine gloire cherchassent des conducteurs ! Mais ils ne souffrent pas qu’on les conduise, et ne s’en rapportent en tout qu’à eux-mêmes. Cet amour nous aveugle, il est devant les yeux comme un brouillard, et un nuage à : travers lequel on ne saurait voir.
Quel moyen de défense aurons-nous, nous qui triomphons d’un vice par un autre vice, mais non par la crainte de Dieu ? Exemple Beaucoup qui étaient libertins et avares, par la parcimonie ont vaincu le plaisir ; d’autres, épris de la vaine gloire, ont triomphé de ces deux vices en dépensant sans économie, et en affectant une sagesse vaine ; d’autres, fort désireux de vaine gloire, font taire cette passion et affrontent le déshonneur, poussés par la convoitise et la cupidité ; d’autres, pour assouvir leur fureur, subissent mille maux, et n’en ont aucun souci, pourvu qu’ils accomplissent leur volonté. Et ce que la passion humaine peut faire, la crainte de Dieu ne le peut. Et que dis-je, la passion ? Ce que peut le respect humain, la crainte de Dieu ne le peut faire. Nous : faisons beaucoup de bonnes œuvres, comme nous commettons beaucoup de péchés par respect humain, mais nous ne craignons pas Dieu. Combien par honte ont dépensé leur fortune ? Combien, par une vaine ambition, n’ont pas servi leurs amis pour le mal ? Combien, par crainte pour leurs amis, ont commis mille péchés ?
3. Si donc la passion, et le respect humain peuvent nous porter aux péchés et aux bonnes œuvres, c’est en vain que nous dirons : je ne peux pas ; nous pouvons ce que nous voulons. Il faut que tous veuillent. Mais, dites-moi : Pourquoi ne pouvez-vous triompher de la vaine gloire, lorsque d’autres la vainquent, qui ont la même âme, le même corps, la même forme, et vivent de la même vie ? Pensez à Dieu, pensez à la gloire d’en haut, mettez-la en face des choses présentes, et aussitôt vous fuirez cette gloire vaine. Si vous désirez la gloire, soyez avide de la vraie gloire. Qu’est-ce que la gloire, lorsqu’elle engendre l’infamie ? Qu’est-ce que la gloire, lorsque vous êtes forcé de rechercher les louanges de vos inférieurs, et que vous en avez besoin ? C’est un honneur de jouir de la gloire qui vient de plus grand que soi. Si vous aimez vraiment la gloire, aimez celle qui vient de Dieu. Si, par amour de la gloire qui vient de Dieu, vous dédaignez celle qui vient des hommes, vous verrez combien celle-ci est méprisable. Tant que vous ne comprendrez pas cette gloire qui vient de Dieu, vous ne verrez pas combien la gloire qui vient des hommes est honteuse et ridicule. De même que ceux qui sont épris de l’amour d’une femme laide et méchante, tant qu’ils, lui sont affectionnés, ne sauraient voir sa laideur, parce que la passion obscurcit leur jugement ; de même, dans le cas présent, tant que nous sommes retenus par la passion, nous ne pouvons comprendre la grandeur du mal. Comment, direz-vous, nous en délivrerons-nous donc ? Pensez à ceux qui ont dépensé de grands biens, sans en avoir retiré aucun fruit ; pensez aux morts qui ont joui de cette gloire instable qui périt et s’évanouit ; pensez que cette gloire en porte le nom seulement, et n’est pas la gloire elle-même. Qu’est-ce donc que la gloire, dites-le-moi, donnez-m’en une définition ? C’est d’être l’admiration de tous, direz-vous. Justement ou injustement ? Si c’est injustement, ce ne serait pas l’admiration, mais l’accusation, l’adulation, la calomnie ; si c’est justement, cela ne saurait être. Le peuple ne juge pas avec droiture ; et il admire ceux qui servent ses désirs. Et, si vous le voulez, examinez ceux qui jettent leur fortune, aux, courtisanes, aux cochers, aux danseurs. Mais nous ne parlons pas de ceux1à, dites-vous, nous parlons des hommes justes et droits, qui peuvent faire beaucoup de bien. Plût à Dieu qu’on voulût les admirer ! la pratique des bonnes œuvres serait facile ; mais il en est autrement. Qui maintenant a des louanges pour l’homme juste et droit ? C’est le contraire qui arrive. Quoi de plus insipide que la justice, si pour prix de la justice, on attend les louanges de la foule ? C’est la même chose que, si un excellent peintre, après avoir