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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/155

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depuis longtemps une vie sage, car tant de prophètes vous parlent deux fois la semaine, tant d’apôtres, tant d’évangélistes vous entretiennent, qui tous vous exposent les dogmes du salut, et les préceptes qui peuvent amener à mieux régler vos mœurs. Le soldat qui va à l’exercice devient plus habile dans la tactique ; l’athlète qui fréquente la Palestre est plus exercé à combattre ; le médecin qui suit les cours d’un maître devient plus judicieux, il sait et apprend de plus en plus : Vous, qu’avez-vous gagné ? Je ne parle pas à ceux qui ont fréquenté les assemblées pendant un an, mais bien à ceux qui y viennent depuis leur première jeunesse. Croyez-vous que ce soit toute la piété de venir exactement à l’assemblée ? Ce n’est rien, si l’on n’en retire pas de fruit ; si nous ne recueillons rien, il vaut mieux rester à la maison. Si nos ancêtres nous ont construit des églises, ce n’est pas pour que nous venions nous y montrer en public : cela se ferait aussi bien dans la place publique, aux bains et dans les pompes publiques. Mais ils ont voulu réunir les disciples et les docteurs, afin que, par le soin de ceux-ci, ceux-là devinssent meilleurs. Ce que nous faisons maintenant n’est que l’accomplissement d’une loi et une sorte de décorum ; du reste, c’est affaire de pure coutume. Vienne Pâques, il se fait beaucoup de bruit, de grands rassemblements ; je ne dirai pas : il vient beaucoup d’hommes ; car ce qui se fait n’est pas œuvre d’hommes. La fête est passée, le bruit cesse, et l’on rentre dans un calme infructueux. Combien de veilles de nuit ne fait-on pas ? Combien ne chante-t-on pas de cantiques ? En devient-on meilleur ? Que dis-je ? on en devient pire ; beaucoup en effet font tout cela par vaine gloire. À quel point pensez-vous que j’aie les entrailles déchirées en voyant tout s’en aller comme dans un tonneau percé ? Mais vous me direz sans cloute : Nous savons les Écritures. Qu’est-ce que cela ? Montrez votre science dans les Écritures, par vos œuvres : là est le gain, là est l’utilité. L’église est un atelier de teinture : si vous en sortez toujours sans avoir reçu aucune teinture, à quoi sert d’y aller souvent ? Le dommage en est plus grand. Qui de vous ajoute quoi que ce soit aux coutumes qu’il a reçues de ses ancêtres ? Par exemple. Tel a accoutumé de faire mémoire de sa mère, de sa femme, de son enfant : Il le fait, soit qu’il l’apprenne ou ne l’apprenne pas de nous, poussé qu’il y est par la coutume et la conscience. Vous indignez-vous donc de cela, direz-vous ? Loin de là, je m’en réjouis fort, mais je voudrais (lue cet homme retirât quelque fruit de notre allocution ; et ce que la coutume lui fait faire, je voudrais qu’il le fît par notre exhortation, et que de nouvelles habitudes s’ajoutassent aux habitudes déjà prises. Pourquoi travaillerai-je et radoterai-je en vain, si vous devez rester dans vos habitudes, si les assemblées ne vous font aucun bien ?
4. Certes, dit-on, nous prions. Qu’est-ce que cela sans les œuvres ? Écoutez la parole du Christ : « Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n’entreront pas dans le royaume des cieux, mais celui qui accomplit la volonté de mon Père qui est dans les cieux ». (Mt. 7,21) Souvent j’ai résolu de me taire, en voyant qu’il ne se faisait parmi vous aucun progrès à ta suite de mes discours ; peut-être ce progrès se fait-il, mais telle est l’impatience et l’ardeur de mon désir, qu’il m’arrive d’éprouver ce qu’éprouvent les hommes qui ont la folie des richesses. De même, en effet, que ceux-ci, quelque grands biens qu’ils amassent, pensent ne rien avoir ; de même aussi moi, par le désir de votre salut qui m’anime, tant que je ne vous verrai pas atteindre le but, je penserai n’avoir rien fait, parce que j’ambitionne de vous voir parvenir au sommet même de la perfection. Je voudrais qu’il fût ainsi : je voudrais que ce que j’éprouve fût l’effet de mon impatience, et non de votre mollesse : je crains fort de mal conjecturer. Il y a tout lieu de croire, en effet, que si vous aviez fait chaque jour quelque progrès, depuis si longtemps que nous parlons, nous n’aurions plus besoin de parler aujourd’hui. Car nous vous avons assez parlé, non seulement pour vous instruire vous-mêmes, mais encore pour vous mettre à même d’instruire, si vous aviez le moins du monde profité de chacun de nos discours. Puisque nous avons toujours besoin de vous avertir, cela ne prouve pas autre chose, si ce n’est que votre conduite n’est pas parfaite.
Que faut-il donc faire ? Car il ne faut pas seulement vous adresser des reproches. Je vous prie et vous conjure de ne pas seulement sous occuper de venir à l’église, mais aussi de remporter, en vous retirant dans vos maisons, quelque remède contre vos passions ; de la sorte vous serez bientôt munis, non par nous,