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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/157

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ne peut souvent modérer un seul cheval ; et un tout jeune homme, par son art, en prend deux souvent, et les dirige et les conduit avec facilité. Chez les Indiens, dit-on, l’éléphant, cette bête énorme et redoutable, se laisse mener avec plaisir par un enfant de quinze ans. Pourquoi parlé-je ainsi ? Parce que si, par notre art et notre vigilance, nous domptons les éléphants et les chevaux, bien plus pourrons-nous dompter nos passions. D’où vient que nous sommes sans force pendant notre vie entière-? Jamais nous ne nous sommes appliqués à cet art ; jamais aux jours de loisir, libres de toutes luttes, nous ne nous sommes entretenus avec nous-mêmes sur ce qui était bon à faire. Nous ne songeons à mettre le pied sur notre char que lorsqu’il faut combattre ; c’est pour cela que nous devenons un objet de risée. N’ai-je pas dit souvent : Exerçons-nous en notre intérieur avant la tentation ? Souvent nous nous exaspérons à la maison contre nos serviteurs ; apaisons alors notre colère pour apparaître calmes au milieu de nos amis ; si nous nous exercions en toute autre chose, nous ne serions pas un objet de risée au jour du combat. Mais maintenant on a des armes, des exercices, des études pour toute autre chose, comme pour les arts et la lutte ; nullement pour la vertu. L’agriculteur n’oserait cultiver une vigne, si d’abord il ne s’était convenablement exercé à la culture ; le pilote ne s’assiérait pas au gouvernail, s’il ne s’était préalablement instruit ; et nous, avec notre inexpérience, nous voulons tenir la première place. On devrait se taire ; on ne devrait rien dire ni rien faire avant d’avoir pu apprivoiser la bête féroce qui est en nous. Est-ce que la fureur et la concupiscence ne combattent pas plus violemment contre nous que toute bête féroce ? Ne vous lancez pas sur la place publique avec ces bêtes féroces avant de les avoir domptées et apprivoisées. Ne savez-vous pas combien gagnent et sont admirés ces hommes qui conduisent à travers le cirque les lions apprivoisés, parce qu’ils ont dressé à la douceur une bête sans raison ? Mais si tout à coup le lion devient féroce, il chasse tout le monde de la place, son conducteur lui-même est en péril, et de plus, il peut causer la perte des autres. Vous donc, apprivoisez d’abord le lion, et conduisez-le seulement alors, non pour gagner quelque argent, mais pour faire un bénéfice auquel rien n’est comparable, car rien n’est comparable à la douceur ; elle est bonne à ceux qui la possèdent et à ceux qui en profitent. Courons donc après elle, afin qu’après avoir suivi avec soin la route de la vertu, nous acquérions les biens éternels, par la grâce et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui appartiennent, au Père et à l’Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.