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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/160

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de Paul, comme l’indique ce mot : « il écouta ». Remarquez son zèle ; le chagrin de son infirmité n’ôtait rien à son attention. « Paul arrêta les yeux sur lui et vit qu’il avait la foi d’être sauvé ». Cet homme s’était déjà familiarisé avec la « préélection ». Une marche opposée à ce qui se passait d’ordinaire avait été suivie à son égard. D’ordinaire on guérissait le corps, puis l’on s’occupait de l’âme. Ici, il en fut tout autrement, car il me semble que Paul songea d’abord à l’âme. Cet homme « sautait et marchait », mais ces démonstrations étaient nécessaires pour prouver sa parfaite guérison : « Les assistants, ayant vu ce que Paul avait fait, élevèrent la voix et dirent en langue lycaonienne : Ce sont des dieux sous forme humaine, descendus au milieu de nous (10) ». « Ils appelaient Barnabé Jupiter, et Paul, Mercure, parce que c’était lui qui portait la parole (11). Le prêtre de Jupiter, dont le temple était près de la ville, amena des taureaux avec des couronnes devant la porte, voulant, ainsi que le peuple, leur offrir un sacrifice (12) ». D’abord, ils n’avaient pas manifesté un pareil projet, ils s’écriaient seulement dans leur langage : « Ce sont des dieux sous forme humaine descendus au milieu de nous » ; aussi les apôtres ne leur répondaient rien. Mais quand ils virent les couronnes, ils sortirent et déchirèrent leurs vêtements : « Les apôtres Barnabé et Paul ayant entendu cela, déchirèrent leurs vêtements, et, s’avançant au milieu de la multitude, ils crièrent et dirent (13) : Amis, que faites-vous ? Nous ne. Sommes que des hommes faibles comme vous (l4) ». Observez que la gloire mondaine ne les souille jamais ; non seulement ils ne la désirent point, mais ils la repoussent quand elle se présente, comme le dit encore Pierre : « Pourquoi nous considérer ainsi, comme si nous avions fait marcher cet homme par notre vertu et notre propre puissance ? » (Act. 3,12) Ils répètent ici la même chose. Joseph aussi disait à propos des songes : « N’est-ce pas Dieu qui nous éclaire ainsi ? » (Gen. 40,8), Daniel parle de même : « Cette révélation ne vient pas de la sagesse qui est en moi ». (Dan. 2,30) Paul tient partout le même langage, quand il dit : « Qui est capable d’un pareil ministère ? » Et aussi : « Nous ne sommes capables d’avoir par nous-mêmes aucune bonne pensée, comme venant de nous-mêmes, mais c’est Dieu qui nous en rend capables ». (2Cor. 2,16 ; 3, 5)
Mais reprenons l’explication de notre texte plus haut. Ce n’était pas un attachement ordinaire que le peuple avait pour eux : qu’était-ce donc ? On désirait les entendre de nouveau, et ce zèle se manifestait par des actions. Vous voyez que partout on les implore ; on ne se contente pas de les accueillir, on les adore. Aussi, notre auteur dit-il plus loin : « Ils leur parlaient et les engageaient à persévérer dans la grâce de Dieu ». Pourquoi les auditeurs n’ont-ils pas commencé par les contredire ? Parce que ceux qui les y excitaient ne s’étaient pas encore déchaînés. Mais bientôt, voyez quel changement dans leurs sentiments ; ils n’arrivent pas seulement aux contradictions, ils vont jusqu’aux blasphèmes ; c’est que la perversité ne sait jamais s’arrêter. Mais remarquez le courage, des apôtres : « C’était à vous qu’il fallait d’abord annoncer la parole de Dieu : mais puisque vous la rejetez… » Cependant, ce langage n’a rien d’offensant, comme quelquefois celui des prophètes, lorsqu’ils s’écrient : « Trêve de vaines paroles ». Les apôtres disent : c’est cette parole que vous rejetez, ce n’est pas nous ; vos injures ne s’adressent donc pas à nous. Mais il ne faut pas croire que cela montre de leur part aucune timidité ! Vous ne vous en jugez pas dignes ; voilà pourquoi il a commencé par dire : « Vous l’avez rejetée », et enfin : « nous nous tournons vers les gentils ». Ce discours est plein de douceur. Il ne dit pas : nous vous abandonnons ; car il veut leur montrer que peut-être il reviendra vers eux : ce ne sont pas vos injures qui nous détournent de vous, mais c’est l’ordre de Dieu, car il faut instruire les gentils : seulement, ce n’est pas nous, c’est vous-mêmes qui êtes cause du bien que nous leur ferons. « Voici l’ordre que le Seigneur nous a donné : Je t’ai établi la lumière des gentils, afin que tu serves à leur salut » ; c’est-à-dire, pour les, instruire de ce qui est nécessaire à leur salut, et non seulement les gentils, mais tout le monde. C’est là ce que signifient ces paroles : « Tous ceux qui avaient été prédestinés à la vie éternelle ». Cela prouve qu’ils étaient désignés dans la pensée de Dieu. Dans ce mot « prédestinés », il faut bien voir qu’il ne s’agit pas d’une aveugle fatalité. « Il les a connus et il les a vus d’avance ». ([[Bible_Crampon_1923/Romains|Rom. 8,