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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/163

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vanter l’éloquence d’un orateur sans pouvoir expliquer ce qu’il a dit ? C’est là une flatterie, que l’on comprendrait seulement chez celui qui entendrait des musiciens et des tragédiens, car il sait bien qu’il n’en pourrait faire autant : ici, quand il ne s’agit plus de mélodies et de belles voix, mais de sagesse et de raisonnements, comment excuser celui qui ne pourrait rendre compte du plaisir que lui a causé l’orateur ? Rien ne convient mieux dans une église que le silence et le bon ordre. Le tumulte est à sa place dans les théâtres, les bains, les fêtes et les marchés, mais l’endroit où l’on enseigne les dogmes divins doit être le refuge du calme, de la tranquillité et de la sagesse ce doit être un port à l’abri des orages. Sachez-le tous, je vous en prie et je vous en conjure. Je cherche toutes les manières imaginables de me rendre utile à vos âmes : en voilà une qui me semble bien importante ; elle me sera aussi profitable qu’à vous-mêmes. Elle nous préservera des chutes où pourraient nous entraîner l’amour des éloges et de la gloire ; elle nous engagera à chercher dans nos discours l’utile plutôt que l’agréable ; et à préférer sans cesse la force des pensées au choix et à l’arrangement des mots. Entrez dans l’atelier d’un peintre, vous y remarquerez un grand silence. Qu’il en soit de même ici, car la noblesse des couleurs que nous employons ne permet pas de tracer des portraits de particuliers, mais seulement des images royales. Qu’est-ce donc ? vous applaudissez encore ? Je vois qu’il est difficile de vous détourner de ce travers, qui cependant n’est pas naturel et ne provient que d’une mauvaise habitude. Notre langue est un crayon, et le Saint-Esprit est l’artiste qui le dirige. Dites-moi, quand on administre les sacrements, voit-on du trouble, du tumulte ? Dans les baptêmes, ou dans toute autre cérémonie, le calme et le silence ne règnent-ils pas ? Le ciel même s’en réjouit ! Aussi les Grecs non convertis blâment vos applaudissements, comme si nous faisions tout pour la gloire et l’ostentation. Mais, dira-t-on, si l’on parvient à les supprimer, il n’y aura plus d’émulation ? Il doit suffire, à celui qui aime les louanges, de les recueillir en comptant les fruits de sa prédication. Aussi, je vous en conjuré, établissons cette loi ; afin que, faisant tout pour la gloire de Dieu, nous méritions sa clémence, par la grâce et la miséricorde de son Fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.