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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/167

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vous pourrez dire avec raison que vous aussi avez été lapidé ! Et ne dites point : je n’ai fait de mal à personne ! Quel mal Paul avait-il fait pour être lapidé ? Il leur annonçait le royaume des cieux, il les détournait de l’erreur, il les ramenait à Dieu ; tout cela méritait des couronnes, des applaudissements, des bienfaits sans nombre, et non des pierres cependant, voilà comment il fut récompensé ! Quelle victoire est plus brillante ? « Ils l’ont traîné », dit l’Écriture : Vous aussi l’on vous a traîné, mais ne vous irritez pas et annoncez la parole de Dieu avec douceur. On vous a injurié ? Taisez-vous, ou même, si vous le pouvez, répondez par des bénédictions, et, tout en annonçant la parole de Dieu, vous aurez en même temps enseigné la douceur et la bonté. Je sais que bien des personnes supportent plus facilement les blessures que les outrages, les plaies du corps que celles de l’âme ; mais ne nous affligeons pas et soulageons ceux qui s’affligent. Ne voyez-vous pas que les lutteurs, la tête meurtrie, les dents cassées, supportent leurs douleurs avec constance ? Pour vous il n’est pas besoin de grincer des dents ni de mordre. Songez à Notre-Seigneur et vous vous rappellerez les remèdes dont il dispose. Songez à Paul. Réfléchissez que vous, qui avez été frappé, vous êtes vainqueur, tandis que celui qui a frappé est vaincu ; cette pensée suffit pour tout guérir. On vous attaque ; ne vous laissez pas entraîner, et vous avez fait votre devoir : demeurez ferme, et l’ennemi perd sa force. C’est une grande consolation de souffrir pour le Christ : autrement, vous ne prêchez pas le langage de la foi, mais celui de la sagesse humaine. Mais, direz-vous, plus je montrerai de douceur, plus l’on me persécutera. Ainsi, vous vous plaignez de ce qui doit augmenter votre récompense ? Mais, direz-vous, c’est un homme intraitable. Vous dites cela pour excuser votre faiblesse, car il sera bien plus intraitable, si vous vous vengez de lui. Si Dieu avait prévu que la vengeance pût rendre les méchants plus traitables, il vous aurait dit au contraire : Venge-toi. Mais il sait ce qui convient le mieux.
Ne faites pas de lois opposées à celles de Dieu ; obéissez-lui. Vous ne valez pas mieux que Celui qui nous a créés. Il a dit : Supporte les injures ; et vous dites : Je rends les injures à celui qui me les fait, afin de le rendre plus traitable. Vous êtes donc plus sage que Dieu ? Toutes ces paroles proviennent de la passion, de la dureté, de l’insolence, et sont contraires à la loi de Dieu. Ne faut-il pas lui obéir, quelque dommage que l’on souffre ? Quand Dieu a donné un ordre, nous ne devons jamais y contredire. « Une réponse soumise apaise la colère ». (Prov. 15,4) Mais il faut qu’elle soit soumise, bien loin d’être arrogante. Ce qui est bon pour l’un, l’est aussi pour l’autre ; au contraire, si celui que vous voulez conduire au bien vous fait du mal ; il s’en fait encore plus à lui-même. « Médecin ; guéris-toi toi-même ». (Lc. 4,23) Il a dit du mal de moi. – Faites son éloge. – II m’a injurié. – Parlez-lui poliment. – Il a cherché à me nuire. – Faites-lui du bien. Que votre conduite soit l’opposé de la sienne, pourvu que vous songiez à son salut et que vous ne cherchiez pas à vous venger. Mais, direz-vous, après avoir souvent profité de ma patience, il est devenu pire qu’il n’était. – C’est son affaire, ce n’est pas la vôtre. Voulez-vous savoir ce que Dieu a souffert ? On a renversé ses autels, on a tué ses prophètes, et il a tout supporté ; ne pouvait-il pas faire tomber la foudre ? Puis, après qu’il eut envoyé ses prophètes et qu’on les eut tués, il envoya son Fils lui-même. Ainsi, plus l’impiété se déchaînait, plus il multipliait ses bienfaits. Vous, de même, si vous rencontrez un homme emporté, soyez le premier à lui céder ; son caractère a besoin, plus qu’un autre, d’être traité avec douceur. Plus l’offense est grossière, plus_ elle réclame de bonté de notre part : un malade a besoin qu’on lui passe tout ; il en est de même pour l’homme en colère. Quand une bête s’emporte, tout le monde la fuit ; il en est de même pour l’homme en fureur. Ne croyez, pas que ce soit là une marque de respect : est-ce que nous rendons hommage aux bêtes féroces et aux fous, quand nous les évitons ? Pas le moins du monde ; c’est plutôt une marque de mépris et d’injure ; ou plutôt, il n’y a ni mépris, ni injure, mais pitié et bonté. Ne voyez-vous pas que les matelots, quand le vent s’élève, carguent les voiles pour que le navire ne s’engloutisse point ; ne voyez-vous pas que le cavalier, dont le cheval s’emporte, le laisse aller au lieu de l’arrêter, de peur que la force ne lui manque tout à coup ?
4. Agissez de même. La colère est un feu, une flamme ardente qui ne demande qu’à tout dévorer ; ne lui donnez pas d’aliments, et