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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/180

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voudrait pas garder constamment un serviteur indigne de lui : Il en est de même pour un apôtre. C’est ce que Paul fait voir à tout le monde, et à son collègue en particulier. Quoi ! direz-vous, Barnabé était-il un méchant homme ? Nullement, et il serait même absurde de le penser. Quelle absurdité, en effet, d’appeler quelqu’un méchant pour une chose aussi peu importante ! Mais remarquez d’abord qu’il n’y avait aucun mal à ce qu’ils se séparassent, si par ce moyen ils pouvaient évangéliser tous les gentils ; c’était même un grand bien. Remarquez ensuite que, sans cette occasion, ils eussent eu de la peine à se séparer. Peut-être vous étonnerez-vous que saint Luc n’ait point passé cela sous silence ? Mais, ajouterez-vous, s’ils devaient se séparer, il fallait le faire sans discussion. C’est ici que la nature humaine se montre. Si les intérêts du Christ l’exigeaient, rien ne valait mieux que cette occasion. Du reste, une discussion n’est point blâmable quand elle a lieu sur de pareils sujets, et que chacun défend une idée juste. On ferait bien de la condamner si chacun des adversaires ne soutenait que son avantage particulier ; mais quand tous deux cherchent à enseigner et à convertir, si chacun prend une route différente, quel mal y a-t-il à cela ? Ils se dirigeaient souvent par la raison humaine, car ils n’étaient faits ni de pierre ni de bois. Vous voyez que Paul reprend le choix de Barnabé et donne ses raisons. Barnabé, qui avait été son compagnon et son associé dans tant de circonstances, avait sans doute beaucoup de respect pour lui, mais ce respect n’allait pas jusqu’à négliger son devoir. Lequel, des deux avait raison, ce n’est pas à nous d’en juger ; mais ce fut tin événement providentiel, car sans cela, tandis que certains peuples auraient été visités deux fois, d’autres ne l’auraient pas été une seule. Ce n’était pas sans raison qu’ils étaient restés à Antioche, c’était pour enseigner, Qui enseignaient-ils ? à qui prêchaient-ils l’Évangile ? Tantôt aux fidèles, tantôt à ceux qui ne l’étaient pas encore. Comme il y avait une foule de scandales, leur présence était nécessaire : il faut voir non pas en quoi ils ont différé, mais en quoi ils ont été d’accord. Ainsi leur séparation produisit un grand bien et la prédication en prit un nouvel essor. Quoi donc ! se séparèrent-ils ennemis ? Non certes, car vous voyez ensuite Paul combler Barnabé de louanges dans ses épîtres. « Il y eut entre eux une contestation », mais ce n’était pas une hostilité ni une querelle. Cette contestation fit qu’ils se séparèrent, et avec raison ; car ce que chacun d’eux pensait être utile, il n’aurait pu le faire plus tard, à cause de son compagnon.
2. Je crois que cette séparation a été décidée avec réflexion et qu’ils se sont dit l’un à l’autre : Puisque je ne veux pas ce que tu veux, ne disputons pas, allons chacun de notre côté. Ils montrèrent donc beaucoup de condescendance mutuelle. Barnabé voulait respecter l’œuvre de Paul, et c’est pour cela même qu’il le quittait : de même Paul ne voulait pas nuire aux travaux de Barnabé : aussi agit-il de même en le laissant aller. Plût au ciel que chez nous aussi les séparations n’eussent pas d’autre cause que le zèle de la, prédication ! « Paul ayant choisi Silas partit avec lui, après avoir été abandonné à la grâce de Dieu par les frères ». Voilà un homme admirable et véritablement grand ! Cette discussion fut bien profitable pour Marc : la sévérité de Paul le convertit et l’indulgence de Barnabé empêcha qu’il ne fût laissé de côté : tel est l’avantage auquel aboutit en résumé cette lutte. Se voyant repoussé par Paul, il s’effraya beaucoup et se condamna lui-même ; mais se voyant protégé par Barnabé, il s’attacha à lui, et le disciple fut corrigé par la contestation élevée entre les apôtres, tant il fut loin d’en être scandalisé ! Il l’eût été sans doute si les apôtres n’avaient agi que par vanité, mais puisqu’ils semblaient ne rien faire que pour son propre salut et que cette discussion prouvait qu’on faisait bien de l’estimer, de quoi pouvait-il s’étonner ?
3. Remarquez la sagesse de Paul. Il n’entre point dans d’autres villes avant de visiter celles qui avaient déjà reçu la parole. « Il traversa la Syrie et là Cilicie, confirmant les Églises (41) ». « Il arriva à Derbe et à Lystre (16,1) ». En effet, il n’aurait pas été raisonnable de courir au hasard. Agissons de même, et que les premiers instruits soient aussi les premiers perfectionnés, pour qu’ils ne fassent pas obstacle à ceux qui les suivent. « Visitons nos frères », dit-il, « pour voir en quel état ils sont ». Il était naturel qu’il l’ignorât ; aussi voulait-il les revoir. Voyez comme il est toujours vigilant, inquiet, incapable de repos et s’exposant à mille dangers. Observez que ce n’est point par crainte qu’il est venu à Antioche. Il ressemble à un médecin qui va voir ses