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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/188

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même pas à le procurer, car il n’en résulte que le dégoût. Il n’y a pas tant d’agréments dans la gourmandise et la volupté ; tout cela passe et disparaît. Gardons-nous de les rechercher. Si nous examinons quel est le plus heureux, de l’homme qui travaille et se fatigue, ou de celui qui vit dans le luxe et l’oisiveté, nous trouverons que c’est encore le premier. Le second a un corps énervé et lymphatique, ses sens eux-mêmes, loin d’être sains et intacts, restent languissants et émoussés ; dans un pareil état, on n’a même pas le plaisir de la santé. Lequel faut-il préférer pour un cheval ? L’oisiveté ou l’exercice ? Pour un navire ? de pourrir au port, ou de voguer dans la mer ? Pour l’eau ? de rester stagnante ou de s’écouler ? Pour le fer ? le repos ou le mouvement ? Ne voit-on pas que d’une façon il brille et ressemble à l’argent, tandis que de l’autre il est rongé par la rouille, hors d’usage et perd quelque chose de sa substance ? Voilà ce qui arrive à une âme oisive, la rouille l’envahit et lui ôte son éclat ainsi que toutes ses autres qualités. Par quel procédé peut-on enlever cette rouille ? En l’aiguisant au moyen des fatigues ; ce sont elles qui rendent à l’âme sa puissance et son activité. Comment, dites-moi, si elle restait émoussée, inerte comme du plomb, pourrait-elle arracher les vices et blesser le démon ? À qui peut plaire l’homme qui nourrit son obésité et se fait traîner comme un phoque ?
3. Je ne vous parle pas de ceux dont c’est la conformation naturelle, mais de ceux qui se sont rendus tels que je le dis par leur gourmandise, tandis que la nature les avait destinés à être dispos. Le soleil s’est levé, il a répandu partout ses rayons éclatants, il a éveillé chaque homme pour l’envoyer à ses travaux ; le laboureur a saisi son hoyau, le forgeron son marteau, tous les ouvriers manient les instruments de leur profession ; la femme a repris sa quenouille ou sa toile ; mais le paresseux, bien avant dans la matinée, se lève comme un porc pour remplir son ventre, et ne songe qu’à bien dîner. Car, même parmi les animaux, les seuls qui ne se réveillent qu’après le jour et pour se repaître, sont ceux qui ne sont bons qu’à être mangés eux-mêmes ; tandis due les bêtes de somme et celles qui rendent quelque service, ont aussi leur travail, même la nuit. Il sort de table quand le soleil éclaire déjà toute la place, et il se lève en se détirant comme un porc engraissé, après avoir passé la meilleure partie du jour dans l’ombre. Il reste longtemps assis, accablé sous le poids de l’ivresse ; c’est là sa principale occupation. Puis il se fait parer et va promener sa honte, n’ayant plus rien de l’homme et ne montrant qu’une brute sous forme humaine, Ses yeux sont chassieux, sa bouche sent le vin, sa pauvre âme semble elle-même abattue par une indigestion, il traîne une masse de chair comme un éléphant. Puis il s’assied près d’autres personnes, mais sa conversation et ses actions sont telles, qu’il, vaudrait mieux pour lui dormir qu’être éveillé. Une mauvaise nouvelle le trouve plus faible qu’une jeune fille ; une bonne, plus vain qu’un enfant ; il bâille à chaque instant. Il a tout à craindre de toutes les attaques, sinon de la part des hommes, au moins de celle des passions ; un pareil homme est facilement entraîné par la colère, la volupté, la jalousie, par tout enfin. Chacun le flatte, le caresse, amollit encore son âme ; aussi son état devient-il pire de jour en jour. S’il se présente une difficulté d’affaires, il n’est plus que cendre et que poussière, et ses habits de soie ne lui servent à rien. Ce n’est pas sans raison que nous vous parlons ainsi, mais pour vous empêcher de vivre oisifs et inutiles. L’oisiveté et les plaisirs sont inutiles dans toutes professions et ne servent qu’à la vanité et à la mollesse. Comment un pareil homme ne serait-il point condamné par tout le monde, domestiques, amis et parents ? Qui est-ce qui n’a pas le droit de dire : C’est un fardeau de la terre, c’est un être inutile au monde ? non seulement il est inutile, mais il se fait tort à lui-même, il fait son malheur et celui des autres. On se demande ce qu’il y a de plus doux que le repos ? Voilà à quoi aboutit ce que l’on cherche tant, l’inaction et l’oisiveté. Qu’y a-t-il de plus déplaisant qu’un homme qui n’a rien à faire, de plus gênant, de plus malheureux ? Ne vaudrait-il pas mieux être chargé de chaînes, que de s’asseoir dans la place pour bâiller et regarder les passants ? L’âme est destinée par sa nature à une activité continuelle ; elle ne souffre pas le repos. Dieu a fait tout être vivant pour agir ; sa nature particulière détermine son genre d’action, mais sa nature générale lui interdit le repos. Ne prenons pas exemple sur les malades, mais consultons l’expérience. Rien de plus pénible que la nonchalance, que l’inaction ; aussi Dieu nous