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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/192

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prétendre si ces dogmes promettaient le plaisir ; mais si l’esclave embrasse une doctrine à laquelle ne peuvent s’élever les philosophes, voilà ce qui est le plus étonnant.
Parlons, si vous le voulez, de ce corroyeur, et voyons ce que Pierre lui dit, ou bien revenons à ce geôlier. Que lui dit Paul ? Il lui parle de la résurrection du Christ, de la résurrection des morts et du royaume des cieux ; aussitôt il le convertit sans peine. Eh quoi ! il n’a pas besoin de lui dire qu’il faut vivre sagement, ne pas être avare ni cruel, et même donner ses biens à d’autres ? Cependant le voilà convaincu de ces vérités qui n’appartiennent pas aux esprits faibles, mais aux grandes âmes. Supposons que sa simplicité même lui eût fait accepter les dogmes ; qu’est-ce donc que cette simplicité qui lui fait accepter la vie parfaite ? Plus il y a de simplicité chez un homme converti à des principes que même les philosophes n’ont pu persuader aux philosophes, plus le miracle est extraordinaire, surtout quand les esclaves et les femmes se convertissent et déploient des vertus que Platon et aucun autre philosophe n’ont pu inspirer à personne. Que dis-je, à personne ? pas à eux-mêmes. Si fou s’en rapporte à Platon, il ne faut pas mépriser les richesses, puisqu’il possédait tant de biens de toute espèce, des anneaux d’or et des vases précieux. Quant à l’approbation publique, Socrate, qui a si bien parlé là-dessus, nous a fait voir qu’il ne la méprisait pas, puisqu’il a tout fait pour la gloire. Si vous connaissiez ses discours, je pourrais vous en parler longuement et vous montrer qu’il y prodigue l’ironie, du moins s’il faut s’en rapporter à ses disciples : tout ce qu’ils ont écrit d’après lui, semble avoir pour fondement un vain amour de la gloire.
3. Mais laissons les philosophes de côté et revenons sur nous-mêmes. A ce qui précède, il faut encore ajouter les dangers qui menaçaient les nouveaux fidèles ; nous ne devons donc point rougir de leur condition. Mais songeons à cette nuit que passèrent les apôtres, au bois qui leur servait d’entraves, à leurs chants religieux ; cherchons nous-mêmes à les imiter, et nous verrons s’ouvrir pour nous, non pas une prison, mais le ciel. Oui, nos prières peuvent ouvrir le ciel lui-même. Par ses prières, Élie a fermé le ciel et l’a ouvert L’autre vie a aussi une prison : « Ce que vous aurez lié sur terre, sera lié aussi dans le ciel ». (Mt. 16,19) Prions pendant la nuit, et nous romprons ces chaînes. Comme preuve que les prières effacent les péchés, nous avons l’exemple de la veuve et celle de cet ami qui, à une heure indue de la nuit, ne cesse pas de frapper. Nous pouvons encore citer Corneille : « Tes prières et tes aumônes sont montées en présence de Dieu ». (Act. 10,4) Enfin, croyons-le, d’après ce que dit Paul : « La veuve qui est vraiment veuve et solitaire, espère en Dieu et persévère jour et nuit dans ses prières ». (1Tim. 5,5) S’il le dit pour une veuve, une faible femme, cela est encore plus vrai pour les hommes.
Je vous l’ai déjà dit, et je le répète. Sans même dire beaucoup de prières, veillons assez pour en dire une seule avec attention : cela suffit, je n’en demande pas davantage. Si ce n’est pas au milieu de la nuit, que ce soit du moins le matin. Montrez par là que la nuit n’est pas faite seulement pour le corps, mais pour l’âme : ne souffrez point qu’elle s’écoule sans profit et rendez grâces à Dieu ; ces grâces retombent sur vous. Dites-moi, si nous sommes préoccupés d’une affaire importante, n’allons-nous pas solliciter tout le monde ? Puis, si nous obtenons promptement ce qu’il nous faut, nous respirons. Eh bien ! ne voudriez-vous pas avoir à solliciter quelqu’un qui fût disposé à vous savoir gré de vos sollicitations ? Ne voudriez-vous pas être dispensé de chercher à qui vous adresser, mais trouver un protecteur tout prêt, et ne pas avoir besoin d’intermédiaire pour vos demandes ? N’est-ce pas ce qu’il y a de plus avantageux ? Il agit pour nous, d’autant plus que nous n’avons pas besoin d’autres appuis : semblable à un ami sincère, il nous reproche surtout de ne pas avoir assez de confiance en lui et de ne le faire solliciter que par d’autres. C’est ainsi que nous sommes à l’égard de ceux qui nous demandent une faveur ; nous la leur accordons plutôt quand ils se présentent eux-mêmes, que s’ils se font représenter par d’autres. Mais, direz-vous, si je l’ai offensé ? Ne l’offensez plus et repentez-vous ; venez ensuite, et c’est surtout alors que vous éprouverez sans retard toute sa bonté. Dites-lui seulement : Je vous ai offensé ; dites-le du fond de l’âme et en toute sincérité, et tout vous sera remis. Vous n’avez pas autant de désir de vous faire pardonner vos péchés, qu’il n’en a de les pardonner. Pour comprendre que vous ne le désirez pas assez, songez