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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/21

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c’est pourquoi il évite de les reprendre avec aigreur, et s’efforce, autant qu’il peut, de les excuser tout doucement. Aussi parvint-il à toucher leurs esprits. Eh ! qui atteste ce succès ? Leurs propres paroles, car ils disent : « Frères, que ferons-nous ? »
Voyez-vous comme ils appellent frères ces mêmes hommes qu’ils nommaient séducteurs ? Ce n’est point qu’ils s’égalent à eux, et ils ne veulent que s’attirer leur bienveillance et leur amitié. Observez encore qu’après les avoir appelés frères, et avoir dit : « Que ferons-nous ? » ils n’ajoutent pas : Nous ferons donc pénitence, mais : qu’ils s’abandonnent à leur conduite. C’est ainsi que dans un naufrage imminent, ou dans une grave maladie, tous laissent agir le pilote ou le médecin, et lui obéissent docilement. Et de même ces Juifs reconnaissent hautement qu’ils sont en un péril extrême, et qu’il ne leur reste plus aucune espérance de salut. Aussi ne disent-ils point : Comment serons-nous sauvés ? mais : « Que ferons-nous ? » Ils s’adressaient à tous les apôtres ; mais Pierre seul répond. Et que dit-il ? « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ ». Il ne dit pas encore : Croyez ; mais : « Que chacun de vous soit baptisé », parce qu’ils devaient recevoir la foi avec le baptême ; et pour leur en montrer les avantages il ajoute : « En rémission de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit ». N’était-ce pas leur dire : Pourquoi différer ce baptême qui vous apportera la rémission de vos péchés et la plénitude des dons célestes ?
Bien plus, afin de rendre sa parole plus persuasive encore, il ajoute : « Car la promesse », celle dont il avait parlé précédemment, « est faite à vous, et à vos enfants ». Ainsi le don de l’Esprit-Saint est d’autant plus excellent qu’ils pourront le laisser en héritage à leurs enfants. « Et à tous ceux qui sont éloignés » ; à plus forte raison à vous qui êtes proches « et à tous les hommes que le Seigneur notre Dieu appelle ». Observez que l’apôtre ne parle de « ceux qui sont éloignés » que quand il voit ses auditeurs rentrer en eux-mêmes et se condamner eux-mêmes. Car de semblables dispositions empêchaient qu’ils ne fussent jaloux des gentils. « Et par plusieurs autres discours il rendait témoignage et les exhortait en ces termes ». Voyez comme Pierre parle toujours brièvement, sans faste et sans ostentation – « Il rendait témoignage et les exhortait en ces termes ! » La doctrine parfaite sait également inspirer la crainte et l’amour. « Sauvez-vous de cette génération perverse ». S’il parle du présent plutôt que de l’avenir, c’est que rien ne nous touche plus vivement. Aussi leur prouve-t-il que sa parole les délivrera des maux présents et futurs.
« Ceux donc qui reçurent sa parole furent baptisés, et il y eut en ce jour environ trois mille personnes qui se joignirent aux disciples ». Ne pensez-vous pas que tout autre miracle eût moins réjoui les apôtres que ces nombreuses conversions ? « Or ils persévéraient dans la doctrine des apôtres et dans la communion ». Ici l’écrivain sacré note spécialement deux vertus : la persévérance et l’union ; des esprits ; et il nous fait ainsi entendre que les apôtres continuèrent longtemps encore à les instruire. « Ils persévéraient donc dans la communion, et dans la fraction du pain, et dans la prière ». En outre, dit saint Luc, tout était commun entre eux, et ils se soutenaient dans ces saintes dispositions. « Et la crainte était dans les âmes, et les apôtres opéraient beaucoup de merveilles et de miracles ». Je ne m’en étonne pas. Car ce n’étaient pas des hommes ordinaires. Ils n’envisageaient plus les choses sous un aspect tout profane ; et ils étaient tout embrasés des feux de l’Esprit-Saint. Mais parce que Pierre, dans son discours, avait entremêlé les promesses et les menaces, le présent et l’avenir, les esprits étaient d’autant plus frappés de crainte que les prodiges confirmaient les paroles. Ainsi aux jours de la Pentecôte comme en ceux du Sauveur, les prodiges précédaient la doctrine et les miracles l’accompagnaient.
« Or tous ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ». Voyez quels progrès rapides ! Car à l’union de la prière et de la doctrine, ils ajoutaient celle de la vertu. « Ils vendaient leurs terres et leurs biens et les distribuaient à tous selon que chacun en avait besoin ». Voyez encore quelle crainte dominait les esprits ! « Et ils les distribuaient », c’est-à-dire, en faisaient un sage partage, « selon que chacun en avait besoin ». Ce n’était donc pas cette prodigalité de certains philosophes qui abandonnaient leur patrimoine ou jetaient leur or dans la mer, plutôt par folie et déraison que par un véritable mépris des richesses. Car toujours le