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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/213

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second lieu. Comment ceux-qui reçurent le Saint-Esprit n’enseignaient-ils pas, tandis qu’Apollon qui ne l’avait pas encore reçu enseignait ? Parce qu’ils n’étaient ni si fervents, ni si instruits, et que celui-ci était très-instruit et brûlant de zèle. Il me semble que cet homme avait une grande liberté de parole. Cependant s’il parlait exactement de Jésus, il avait besoin d’une instruction plus soignée. Ainsi, bien qu’il ne sût pas toute chose, il attirait l’Esprit-Saint par sa ferveur, comme il arriva à Cornélius. Beaucoup peut-être regrettent le baptême de Jean et voudraient qu’il fût encore donné ; mais beaucoup négligeraient de mener une vie vertueuse, ou bien chacun s’imaginerait de rechercher la vertu à cause de ce baptême, et non à cause du royaume des cieux. D’ailleurs il y aurait de nombreux faux prophètes ; les hommes d’une vertu éprouvée ne brilleraient guère, et on n’appellerait non plus guère bienheureux ceux qui auraient reçu simplement la foi. De même donc que « Bienheureux sont ceux qui ont cru sans avoir vu », bienheureux sont aussi ceux qui croient sans prodiges. Dites-moi, en effet, n’était-ce pas un reproche que le Christ faisait aux Juifs, lorsqu’il disait : « Si vous ne voyez des miracles, vous ne croyez point ». (Jn. 20,29) Nous ne souffririons pas de l’absence des miracles si nous voulions regarder nos avantages actuels. Nous possédons la source de tous les biens par le baptême. Nous avons reçu le pardon de nos péchés, la sanctification, la participation de l’Esprit-Saint, l’adoption, la vie éternelle. Que voulez-vous de plus ? Des prodiges ? Ils ont cessé. Vous avez la foi, l’espérance, la charité qui demeurent ; cherchez ces choses, elles sont plus grandes que les prodiges. Rien de comparable à la charité : « La charité est la plus grande de toutes les vertus » (1Cor. 13,13), dit l’Écriture. Mais de nos jours la charité périclite, le nom seul en reste, mais la chose n’est nulle part, nous sommes divisés entre nous.
3. Que faire donc pour que nous soyons unis ? Réprimander est facile, mais ce n’est là que la moitié de l’œuvre. Il faut donc montrer comment se forme l’amitié ; il faut nous appliquer à rejoindre les membres désunis. Il n’y a pas seulement à chercher si nous avons une même église, un même dogme ; mais, ce qui est grave, c’est que nous soyons en communion pour toute autre chose et que nous n’y soyons pas dans les choses nécessaires ; que nous soyons en paix avec tous, et que sous d’autres rapports nous soyons en dissentiment. Ne considérez pas que nous n’excitons pas de luttes journalières, mais bien que nous n’avons plus une charité sincère et stable. Il est besoin d’huile et de ligaments. Pensons que la charité est la marque distinctive des disciples du Christ, que sans elle tout le reste n’est rien, et que la charité est chose facile si nous le voulons. Certes, dit-on, nous savons cela, mais comment s’y prendre pour y arriver ? Comment faire pour que cela soit ? Comment s’y prendre pour nous aimer les uns les autres ? Commençons par détruire ce qui détruit la charité, et nous l’établirons ensuite. Que personne n’ait souvenir des injures, que nul ne soit jaloux, que nul ne se réjouisse du mal. Voilà les obstacles de la charité. Ce qui la fait naître est tout autre. Il ne suffit pas de montrer quels sont les obstacles à enlever ; il faut encore montrer ce qui la fait vivre. Sirach dit bien ce qui détruit la charité, mais non ce qui la concilie, et il indique les injures, la révélation d’un secret confié, et le mal fait par ruse. (Sir. 22,27) Mais ces choses convenaient aux Juifs charnels. Loin de nous de pareilles choses ; nous ne vous conduisons pas par ces moyens, mais par d’autres : Rien ne nous est utile sans la charité. Ayez mille biens, qu’en revient-il ? Ayez la richesse, soyez dans les délices et sans amis, quel gain en tirerez-vous ? Rien même dans les biens de la vie n’est plus beau que la charité ; de même que rien n’est plus nuisible que l’inimitié : « La charité couvre la multitude des péchés » (1Pi. 4,8), l’inimitié soupçonne même ce qui n’est pas. Il ne suffit pas de n’être pas ennemi, mais il faut aimer. Pensez que le Christ l’a ordonné et cela suffit. La persécution forme les amitiés et les noue. Mais, direz-vous, que faire maintenant qu’il n’y a pas de persécution ? Comment s’y prendre pour devenir amis ? n’avez-vous pas d’autres amis, dites-moi ? Comment êtes-vous leurs amis ? Comment persévérez-vous dans leur amitié ? Que personne, en attendant, n’ait d’ennemi, c’est déjà, beaucoup ; que personne ne porte envie ; quand on n’est pas envieux, on n’accuse personne. Nous habitons tous une même terre, nous nous nourrissons des mêmes fruits. Mais tout cela est peu de chose ;