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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/23

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disciples voyaient qu’entre eux les dons spirituels étaient communs et que tous en étaient également favorisés ; aussi en vinrent-ils promptement à l’idée d’en faire autant pour les biens de la terre. « Or, tous ceux qui « croyaient, vivaient ensemble ». Mais ils n’habitaient pas la même maison, comme le prouvent ces autres paroles : « Et ils avaient tout en commun ». Ainsi l’égalité était parfaite sans que l’un eût plus, et l’autre moins, et ils formaient comme une société d’esprits célestes, puisque chacun ne possédait, rien en propre. Cette pauvreté volontaire coupait donc jusque dans ses racines le principe de tous les maux, et ces nouveaux disciples prouvaient par là qu’ils avaient compris la doctrine évangélique.
Or, Pierre leur disait : « Sauvez-vous de cette génération perverse ; et il y eut en ce jour environ, trois mille personnes qui se joignirent aux disciples ». Parce qu’ils étaient trois mille, ils ne craignaient point de se produire au-dehors, et chaque jour ils montaient au temple, où ils se rendaient assidûment. C’est aussi ce que firent peu après les apôtres Pierre et Jean car tout d’abord ils ne changèrent rien à la loi de Moïse. Au reste l’honneur rendu au temple rejaillissait sur le Maître du temple. Voyez aussi quels rapides progrès faisait en eux l’esprit de piété ! Ils se dépouillaient avec joie de leurs biens terrestres, et ils s’en réjouissaient d’autant plus qu’ils estimaient davantage leurs richesses spirituelles. L’orgueil et la jalousie, le faste et le mépris étaient inconnus parmi eux, c’étaient des enfants qui ne voulaient qu’être instruits ; et ils avaient la candeur d’un enfant nouveau-né.
Direz-vous que je trace un tableau d’imagination ? mais rappelez-vous le dernier tremblement de terre dont le Seigneur a épouvanté cette ville. Quel n’était pas l’effroi et la consternation générale ! qui songeait alors à tromper son frère, ou à médire de lui ! ce que faisait parmi nous la terreur et l’effroi, la charité l’opérait parmi les premiers chrétiens : ils ne connaissaient point cette froide parole, « le mien » et « le tien » ; aussi s’asseyaient-ils pleins de joie à une table commune. L’un ne pensait point qu’il faisait les frais du festin, et l’autre qu’il était nourri gratuitement, quoique cela nous paraisse aujourd’hui une véritable énigme. Mais c’est que chacun se regardait comme propriétaire des biens de la communauté, en même temps qu’il les considérait comme appartenant à tous les frères. Ainsi le pauvre ne rougissait point de sa pauvreté, et le riche ne s’enorgueillissait point de ses richesses. De là naissait une joie vraie et sincère, parce que dans l’un le sentiment de la reconnaissance, et dans l’autre celui d’une bonne œuvre resserrait entre tous les liens d’une fraternelle unanimité. Mais parce que, même dans l’aumône, il peut se glisser quelque orgueil, quelque vanité ou quelque hauteur, l’apôtre nous dit : « qu’il ne faut point la faire avec tristesse, et comme par force ». Qu’il est donc beau le témoignage que saint Luc rend à ces premiers chrétiens ! il atteste leur foi sincère, leur vie irréprochable, et leur persévérance dans la doctrine, la prière, la frugalité et la joie.
3. Deux choses cependant pouvaient les attrister : le jeûne et l’abandon de leurs biens. Mais ils y trouvaient un double sujet de joie ; et à la vue de semblables dispositions, chacun les aimait comme son père. Nul ne songeait à molester son frère, et ils s’abandonnaient entièrement à la grâce divine. Aussi étaient-ils généreux et intrépides au milieu des dangers. Mais cette confiante simplicité attestait tout l’héroïsme de leur vertu, plus encore que le mépris des richesses, le jeûne et la persévérance dans la prière. Ils louaient donc le Seigneur en esprit et en vérité ; et ce sont là les seules louanges qu’il demande. Eh ! voyez comme ils en sont immédiatement récompensés ! car la faveur dont le peuple les entoure prouve combien ils étaient aimables et savaient se faire aimer. Et en effet, qui ne loue et qui n’admire un homme simple dans ses mœurs, et qui. ne se lie volontiers avec un homme franc et sincère ? Mais n’est-ce point à eux qu’appartiennent le salut et tous les dons du ciel ?
Les bergers n’ont-ils pas été les premiers appelés à l’Évangile ? et Joseph n’était-il pas admirable de simplicité, lui qui, même en soupçonnant une faute, ne s’arrête à aucune mesure rigoureuse. Est-ce que Dieu n’a point toujours choisi des hommes simples et francs ? « Toute âme simple », dit l’auteur des Proverbes, « sera bénie » ; et encore : « Celui qui marche avec simplicité, marche avec sécurité ». (Prov. 2,25 ; 10, 9) Je l’avoue, me direz-vous ; mais il faut y joindre la prudence. Eh ! la