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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/231

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comme l’accessoire. Imaginez-vous cette maison illuminée, pleine de monde, et Paul parlant au milieu de l’assemblée. Imaginez-vous celle maison dont la foule occupait les fenêtres pour entendre cette trompette retentissante et contempler son majestueux visage. Quels pensez-vous que furent les auditeurs, quelle joie ils goûtaient ? Pourquoi parlait-il pendant la nuit ? Parce qu’il devait s’en aller et ne les verrait plus désormais. Il ne dit pas cela à cette foule, trop faible pour l’entendre ; mais il le disait aux autres. Le miracle devait aussi rappeler à jamais le souvenir de cette soirée. La joie des auditeurs était grande, et elle fut augmentée encore par cette interruption ; cette chute tourna aussi à l’avantage du docteur. D’ailleurs ce jeune homme qui mourut pour entendre Paul devait être un reproche continuel pour les paresseux. Mais pourquoi, dit-on, l’auteur énumère-t-il chaque endroit où ils allèrent, où ils s’arrêtèrent, et les endroits qu’il laissa de côté en naviguant ? Pour montrer qu’il naviguait assez lentement, et que c’était aussi par un motif humain qu’il, laissait de côté certains lieux pendant la navigation. « Il décida qu’on passerait Éphèse sans prendre terre, pour ne point perdre de temps en Asie ». C’était avec raison ; car il n’eût pu, s’il fut entré à Éphèse, ne pas s’y arrêter, parce qu’il n’aurait pas voulu affliger les disciples qui le prieraient de rester. Il faut ajouter qu’il était pressé. « Il se hâtait », dit l’auteur, « afin, s’il était possible, de passer le jour de la Pentecôte à Jérusalem ». Il ne pouvait donc s’arrêter à Éphèse. Vous voyez que Paul subit aussi les conditions de l’humanité : il désire, il se hâte et ne réussit pas toujours ni infailliblement. Il en est ainsi pour que nous ne pensions pas qu’il fût au-dessus de la nature humaine. Les saints et les hommes illustres ne différaient pas de nous par la nature, mais seulement parla volonté. C’est par là qu’ils attiraient sur eux une grâce immense. Voyez quelles grandes choses ils exécutent par eux-mêmes. C’est à cause de cela que Paul disait : « Pour ne pas donner sujet de s’offenser à ceux qui le veulent » (2Cor. 6,3) ; et ensuite : « Pour qu’on ne critique pas notre ministère ». Ces paroles sont la marque d’une vie sans tache et d’une grande indulgence. Atteindre au sommet de la vertu et conserver le sentiment d’une humble condescendance, voilà la perfection. Apprenez comment cet homme, qui allait au-delà des stricts préceptes du Christ, restait néanmoins le plus humble de tous : « Je me suis fait tout à tous pour les gagner tous » (1Cor. 9,22), dit-il. Il se précipita même dans les dangers comme il le dit ailleurs : « Dans la patience sans bornes, dans les tribulations, dans le besoin, dans les malheurs, dans les prisons » (2Cor. 6,45) ; son amour pour le Christ était immense. S’il n’en eût été ainsi, tout le reste eût été vain, grâces reçues, vie sans tache et dangers. « Qui souffre sans que, je souffre ? qui est scandalisé sans que je brûle ? »
3. Suivons ces paroles, je vous en conjure, et exposons-nous au danger pour nos frères. Si le feu ou le fer vous menacent, précipitez-vous, mon cher, pour en arracher celui qui est avec vous membre d’un même corps ; précipitez-vous et ne craignez point. Vous êtes le disciple du Christ qui a donné sa vie pour ses frères ; le condisciple de Paul qui aurait voulu souffrir mille maux pour ses ennemis et pour ceux qui le persécutaient ; soyez plein de zèle, imitez Moïse. Celui-ci vit quelqu’un qu’on traitait injustement, et il se fit son vengeur ; il méprisa les délices des rois, et devint pour ceux qui souffraient, fugitif, errant, sans asile et sans parents ; il demeura longtemps sur la terre étrangère, il ne s’en fit pas de reproches à soi-même, et ne dit jamais Qu’est-ce que cela ? J’ai méprisé le trône, tant d’honneur et tant de gloire ; j’ai préféré venger ceux qu’on accablait d’injustices, et Dieu ne m’en a pas tenu compte, et non seulement il ne m’a pas rétabli dans mes premiers honneurs, mais voilà quarante ans que je passe sur la terre étrangère ; ce qui veut bien dire : Je n’ai pas reçu de récompense. Il ne dit ni ne pensa rien de tout cela. Faites donc ainsi Vous faites le bien et vous souffrez le mal, et cela pendant longtemps ; néanmoins né vous scandalisez ni ne vous troublez point, car le Seigneur vous en donnera récompense entière. Plus le paiement est différé, plus s’accumulent les intérêts. Ayons donc une âme compatissante et qui sache prendre sa part de la douleur d’autrui ; n’ayons jamais rien en nous de cruel et d’inhumain. Si vous ne pouvez faire plus, pleurez et gémissez : ces pleurs ne seront pas inutiles pour vous. S’il faut compatir aux maux de ceux que Dieu frappe justement, bien plus encore faut-il compatir aux maux de ceux qui souffrent injustement. « Les