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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/232

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gens d’Oenan ne sortirent point pour pleurer sur la maison qui leur était voisine. Ils recevront la douleur parce qu’ils l’ont tournée en dérision ». Ézéchiel leur reproche ainsi de n’avoir pas pleuré avec leurs voisins. Que dites-vous, ô prophète ! Dieu punit : et je pleurerais avec ceux qui sont châtiés ? Certainement : car celui qui punit le veut ainsi, car lui-même en punissant ne se réjouit pas, mais il est plutôt dans la douleur. Puis donc que celui-là même qui punit ne se réjouit pas, ni vous non plus, ne vous réjouissez pas. Mais s’il sont punis justement, direz-vous, il ne faut pas s’attrister ? Au contraire, il faut s’affliger même alors de ce qu’ils ont paru dignes du châtiment. Dites-moi : Lorsque vous voyez votre fils brûlé ou coupé, ne vous attristez-vous pas ? Certainement vous ne vous dites pas à vous-même : Qu’est-ce que cela ? la coupure doit produire la santé ; la brûlure a pour but la guérison : cependant lorsque vous entendez les cris de votre enfant qui ne peut supporter ses douleurs, vous souffrez, et l’espoir de son retour à la santé ne suffit pas pour surmonter le trouble de la nature. Usons-en de même envers les autres hommes ; quoique le châtiment leur soit infligé pour leur bien, montrons-leur cependant une affection paternelle et des sentiments de père. Les châtiments de Dieu sont des coupures et des brûlures, et nous devons nous attrister de ce qu’ils aient eu besoin d’un tel remède pour être guéris. Si quelqu’un souffre volontairement ces maux pour là couronne, comme Pierre et Paul, alors ne vous affligez pas ; mais s’il subit un juste châtiment, alors pleurez et gémissez. Tels étaient les prophètes. C’est pourquoi l’un d’eux a dit : « Hélas ! Seigneur, détruirez-vous les restes d’Israël ? » (Ez. 9,8) Nous voyons souvent châtier des meurtriers et des scélérats, et nous souffrons et nous nous attristons. Ne soyons pas philosophes outre mesure : soyons miséricordieux, afin de trouver miséricorde. Rien n’est comparable à cette qualité, rien ne nous montre mieux un caractère humain que la miséricorde et la douceur. C’est pourquoi les lois renvoient tout le châtiment aux bourreaux ; elles obligent le juge à prononcer la sentence sans aller plus loin, elles appellent les bourreaux pour l’exécution. Ainsi, quelque juste que soit le châtiment, il n’appartient pas à l’homme qui se respecte de l’infliger, ce ministère convient à quelque mercenaire. Dieu ne frappe pas par lui-même, mais par le moyen des anges. Les anges sont donc des bourreaux, direz-vous ? Fi donc ! Je ne dis pas cela, mais ils sont des puissances vengeresses. Lorsque Sodome fut détruite, elle le fut par eux ; les plaies de l’Égypte furent aussi leur œuvre Il en a donné mission aux anges mauvais » (Ps. 77,49), dit l’Écriture. Lorsqu’il faut sauver, il agit par lui-même. Ainsi, il a envoyé son Fils pour le salut du genre humain. Et ailleurs l’Écriture ne dit-elle pas : « Je dirai aux anges : Rassemblez ceux qui commettent l’iniquité, et jetez-les dans la fournaise ». (Mt. 13,41, 42) Touchant les justes, il n’agit pas ainsi ; mais il leur dit : « Celui qui vous reçoit, me reçoit » (Idem, 10,40) ; et ailleurs : « Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le, dans les ténèbres extérieures ». (Idem, 22,13) Voyez, ici ce sont les serviteurs qui accomplissent ses ordres. Lorsqu’il doit faire du bien, c’est lui qui le fait, c’est lui qui appelle : « Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé en héritage ». (Idem, 25,34) Lorsqu’il veut parler à Abraham, c’est lui qui vient ; lorsqu’il faut aller à Sodome, il envoie ses serviteurs comme un juge qui envoie ceux qui doivent punir. Et ailleurs : « Courage, serviteur bon et fidèle, parce que tu as été fidèle à propos de peu, je t’établirai sur beaucoup ». (Idem, 25,21) C’est lui-même qui bénit cet homme ; ce n’est pas lui, mais les serviteurs qui jettent le méchant dans les ténèbres. Instruits de ces choses, ne nous réjouissons pas à la vie de ceux qui sont punis, mais gémissons encore ; attristons-nous et pleurons sur eux, afin d’en recevoir récompense. Maintenant il y en a beaucoup qui se réjouissent, même des maux endurés par ceux qui souffrent injustement. Pour nous, n’agissons pas ainsi, mais montrons toutes sortes de commisérations ; afin que, nous aussi, nous soyons jugés dignes de la miséricorde de Dieu, par la grâce et la bonté de son Fils unique, avec qui appartiennent, au Père et à l’Esprit. Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.