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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/235

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pas : Nous sommes dans l’angoisse ; mais : Il faut supporter nos maux ; il ne dit pas même : Je juge que… Il parle de la sorte, non pour se louer lui-même, mais pour leur enseigner d’abord l’humilité, ensuite le courage, la liberté de parole. C’est comme s’il disait : Je n’aime pas cette vie plus que l’autre ; je pense qu’il est plus précieux pour moi d’accomplir ma course, et « d’attester avec insistance la doctrine de l’Évangile ». Il ne dit pas : Prêcher, enseigner ; mais quoi donc ? « Attester l’Évangile de la grâce de Dieu ». Il va dire quelque chose de plus pénible : « Je suis pur du sang de tous ». Il les prépare donc et leur montre qu’il ne reste plus rien. Comme il allait leur laisser la charge et le fardeau tout entiers, il attendrit leur cœur en disant : « Je sais maintenant que vous ne verrez plus désormais mon visage ». Puis il ajoute : « Je suis pur du sang de tous ». La douleur est double : ils ne verront plus son visage et eux tous. En effet, dit-il : « Vous ne verrez plus mon visage, vous tous, au milieu de qui je suis passé, prêchant le royaume de Dieu ». Je vous atteste donc avec raison, parce que je ne serai plus désormais avec vous, « que je suis pur du sang de tous ; car je n’ai pas craint de vous annoncer toute la volonté de Dieu ». Ne voyez-vous pas comme il les effraie et comme il accable leurs âmes affligées et troublées ? C’est avec raison, car c’était nécessaire. « Car je n’ai pas craint de vous annoncer toute la volonté de Dieu ». Celui qui ne parle pas est responsable du sang de l’homme, c’est-à-dire du meurtre. Rien de plus effrayant que cela. Il leur montre que ceux qui n’agiront pas comme lui, sont responsables du sang. Il semble se disculper, et il les épouvante : « Veillez donc sur vous et sur tout le troupeau, sur lequel le Saint-Esprit vous a constitués évêques, pour paître l’Église de Dieu qu’il a acquise par son propre sang ». Voyez-vous ; il leur ordonne deux choses : redresser seulement les autres ne procure aucun bénéfice. « Je crains qu’ayant prêché les autres, je ne sois moi-même réprouvé » (1Co. 9,27) ; non plus que de n’avoir soin que de soi-même. En effet, celui qui s’aime soi-même et ne recherche que ce qui le concerne, est semblable à celui qui a enfoui son talent. Ce qu’ajoute l’apôtre ne veut pas dire que notre salut est plus précieux que celui du troupeau ; mais parce que, si nous veillons sur nous-mêmes, le troupeau aussi en profite. « Sur lequel l’Esprit-Saint vous a constitués évêques, pour paître l’Église de Dieu ». Voyez quelles grandes obligations ! Vous avez été ordonnés par l’Esprit-Saint ; c’est ce que veut dire, en effet : « Vous a constitués ». C’est là une obligation ; ensuite pour paître l’Église de Dieu », voilà la seconde ; et voici la troisième : « Qu’il a acquise par son propre sang ». Ces paroles montrent la grandeur du ministère pastoral. Le danger non plus n’est pas médiocre pour nous, puisque le Seigneur, pour l’Église, n’a pas épargné son propre sang, si nous négligeons le salut de nos frères. Le Seigneur, pour réconcilier des ennemis, a versé son sang ; et vous n’avez pas même la force de conserver ceux qui sont devenus des amis. « Je sais qu’après mon départ des loups terribles viendront au milieu de vous, qui n’épargneront pas le troupeau (22-29) ». Il les fait ainsi porter leurs regards vers l’avenir, comme lorsqu’il dit ailleurs : « Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang. (Eph. 6,12) Il viendra au milieu de vous des loups terribles ». Double malheur qu’il ne soit plus là, et qu’il doive venir des ennemis menaçants. Pourquoi vous en allez-vous, ô Paul, si vous prévoyez cela ? L’Esprit me pousse, dit-il.

3. Remarquez qu’il ne dit pas seulement « des loups » et que ce n’est pas sans raison qu’il ajoute « terribles » pour marquer leur violence et leur audace ; et ce qui est plus grave, il dit que ces loups devront surgir du milieu d’eux : ce qui, certes, est terrible puisque ce sera une guerre civile. Il dit donc avec beaucoup de raison : « Veillez », pour montrer que la chose exige beaucoup de zèle (il s’agit de l’Église) ; que le danger est grand (le Christ l’a rachetée de son sang), et que la guerre doit être grande, et qu’elle sera double. C’est là ce qu’il veut indiquer clairement en disant : « Et il surgira du milieu de vous des hommes proférant des paroles perverses pour entraîner les disciples à leur suite ». Ensuite, comme il les a tout à fait effrayés par cette parole : des « loups terribles », et aussi par celle-ci, savoir : qu’il surgirait du milieu d’eux des hommes proférant des paroles perverses, comme si quelqu’un embarrassé lui demandait : Comment donc ? comment faudra-t-il veiller ? il ajoute : « Veillez, et souvenez-vous que pendant trois années, nuit et jour, je n’ai