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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/237

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l’avoir entendu souvent. « Je suis innocent du sang de tous », dit l’apôtre.
4. Il convenait à Paul de ; prononcer cette parole, mais nous n’osons la dire, nous qui avons conscience de mille négligences. A lui, en effet, toujours vigilant, toujours debout, à lui qui supportait tout pour le salut de ses disciples, il convenait de parler ainsi ; pour nous, nous emploierons la parole de Moïse et nous dirons : « Le Seigneur s’est irrité contre moi à cause de vous, parce que vous nous entraînez nous-mêmes dans beaucoup de péchés ». (Deut. 3,26) Lorsque nous perdons courage en voyant que vous ne faites aucun progrès, est-ce que la plus grande partie de nos forces ne nous abandonne pas ? Qu’est-il donc arrivé, dites-moi ? Voici que, par la grâce de Dieu, nous aussi depuis trois années, nous exhortons, non pas nuit et jour, il est vrai, mais souvent trois jours par semaine, et quelquefois sept. Quel avantage en avez-vous retiré ? Nous accusons, nous réprimandons, nous pleurons, nous nous affligeons, sinon ouvertement, au moins au fond de notre cœur. Les larmes qui coulent sont moins amères que celles qui ne sortent pas du cœur ; celles-là soulagent la douleur, celles-ci l’augmentent en la concentrant en nous-mêmes. Ainsi, lorsqu’on est dans la peine et qu’on ne peut exprimer son chagrin, pour ne pas paraître rechercher la vaine gloire, on souffre plus vivement que si l’on donnait cours à sa douleur. Si personne ne me croyait désireux de vains éloges, vous me verriez tous les jours verser des torrents de larmes qui n’ont pour témoins que ma petite demeure et la solitude. En effet, croyez-moi, j’ai désespéré de mon salut en pleurant sur vos maux ; je n’ai pas le loisir de pleurer sur les miens, tant vous êtes tout pour moi. Si je vous vois faire des progrès, ce bonheur m’empêche de sentir mes maux ; si je m’aperçois que vous ne faites aucun progrès, j’oublie encore une fois mes maux. Je suis encore joyeux de votre bien, même lorsque j’endure mille peines ; je serais encore triste de vos douleurs quand mille biens m’arriveraient. Quel espoir reste-t-il au docteur si le troupeau se corrompt ? Quelle vie ? quelle attente ? Avec quelle confiance se présentera-t-il devant Dieu ? Que dira-t-il ? Admettons qu’il ne lui soit pas fait de reproches, qu’on ne lui inflige pas de châtiment, mais qu’il soit pur du sang de tous, alors encore il souffrira cruellement ; car, quoique les pères ne doivent pas être accusés à cause de leurs fils, cependant ils gémissent et sont dans le chagrin.
Mais, dira-t-on, ne suffit-il pas au pasteur, pour qu’il soit justifié devant Dieu, qu’il ait veillé sur nos âmes ? Mais ils veillent comme devant rendre compte (Héb. 13,17) : ce qui paraît effrayant pour quelques-uns ; mais pour moi je n’en ai aucun souci. Si vous venez à périr, que je rende compte ou non, cela m’importe peu. Mon désir est que vous soyez sauvés, dussé-je rendre compte pour vous ; oui, que vous soyez sauvés, et que je sois accusé de n’avoir pas fait mon devoir. Je n’ai pas souci que vous soyez sauvés par mon moyen, pourvu que, par n’importe quelle voie, vous arriviez au salut. Vous ne savez pas la tyrannie des enfantements spirituels, vous ne savez pas que celui qui enfante de cette manière préférerait être coupé en morceaux que de voir un seul de ceux qu’il a enfantés périr ou se corrompre. Comment vous le persuader ? Nous ne nous servirons pas pour cela d’autre chose que de ce qui a été lu aujourd’hui. Nous pouvons dire, nous aussi, que nous n’avons rien négligé ; mais cependant nous nous attristons ; et la preuve en est que nous préparons que nous inventons mille moyens. Cependant nous aurions pu vous dire : Quel souci puis-je avoir ? J’ai fait ce qui dépendait de moi, je suis pur du sang ; mais cela ne console pas ; si notre cœur pouvait se déchirer et se montrer à vos yeux, vous verriez que vous y êtes renfermés et y occupez une large place, vous tous, femmes, enfants et hommes. Car telle est la force de la charité, qu’elle rend l’âme plus vaste que le ciel. « Recevez-nous », dit Paul, « nous n’avons fait d’injustice à personne. (2Cor. 7,2) Vous n’êtes point dans nous à l’étroit ». (Id. 6,12) Nous aussi nous disons : Recevez, nous. Paul avait Corinthe entière dans son cœur, et il dit : « Dilatez-vous, vous aussi ; vous n’êtes point à l’étroit ». (Id. 13,12) Mais moi, je ne saurais parler ainsi, car je sais bien que vous m’aimez et que vous me recevez ; mais quel bien retirer de ma charité ou de la vôtre, si les choses de Dieu ne font pas de progrès C’est là une grande source de peine, une grande cause de dommage. Je ne puis vous accuser en rien : « Car je vous rends témoignage que si cela eût été possible, vous vous seriez