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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/253

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le Christ : Ne l’écoutez pas comme un Dieu, mais méprisez ses insinuations. Les convoitises mauvaises disent la même chose : mais vous, ne vous laissez pas persuader, tenez bon pour qu’on ne dise pas de nous : « Ils confessent de « bouche qu’ils connaissent Dieu, et le nient par leurs actes ». (Tit. 1,16) Ce n’est pas là l’œuvre de témoins, c’est tout le contraire. Que les autres nient Dieu, il n’y a rien là d’étonnant ; mais que nous, appelés à être ses témoins, devenions des renégats, cela est pénible et accablant, cela surtout nuit à la religion. « Il viendra en témoignage pour eux » (Lc. 21,1.3) ; mais si nous ne bronchons pas et sommes stables dans la foi. Si nous voulions tous rendre témoignage au Christ, bientôt nous aurions persuadé beaucoup, de gentils.
La vie est une grande chose, mes bien-aimés. Un homme, quelque sauvage qu’il soit, pourra condamner nos principes, mais il les admettra en secret, il les trouvera louables et les admirera. Et par quel moyen rendra-t-on sa vie la meilleure possible ? direz-vous. Par nul autre moyen qu’en agissant suivant l’impulsion de Dieu : Mais, quoi ! n’y a-t-il pas des gentils qui sont aussi vertueux ? Ces gentils, quand ils sont tels, le sont ou par nature ou par vaine gloire. Voulez-vous savoir quelle est la splendeur d’une bonne vie, et quelle force de persuasion elle possède ? Si beaucoup d’hérétiques ont eu des succès malgré la corruption de leurs dogmes, ils ne les ont obtenus que parce que beaucoup de personnes ; par respect pour la pureté de leur vie, n’examinèrent même pas leur doctrine ; d’autres, qui les désapprouvaient dans leur doctrine, les respectaient à cause de leur bonne vie. Ce n’était pas juste, sans doute ; mais cependant c’est ce qui est arrivé. C’est là ce qui a diminué la vénération pour notre foi ; tout est détruit et renversé, si l’on n’a pas une vie réglée ; la foi elle-même est pervertie par là. Nous disons que le Christ est Dieu, nous proférons mille autres choses, celle-ci entre autres, qu’il a ordonné à tous de bien vivre ; mais on ne voit la pratique de ce précepte que chez un petit nombre. Le dérèglement de la vie affaiblit le dogme de la résurrection, de l’immortalité de l’âme et du jugement, et il entraîne après lui beaucoup d’autres maux, tels que la croyance au destin, à la fatalité, et la négation de la Providence. L’âme, plongée dans des maux sans nombre, cherche à se consoler de cette façon pour ne pas s’attrister de la pensée qu’il doit y avoir un jugement, et que les principes de la vertu et de la malice sont en nous.
Une telle vie est la source de mille maux ; elle rend les hommes semblables à des bêtes sauvages, et même plus déraisonnables qu’elles ; car ce qui se trouve dans toutes les natures des bêtes sauvages, souvent se rencontre dans un seul homme, et détruit tout en lui : C’est pour cela que le démon a inventé l’erreur de la fatalité ; c’est pour cela qu’il a dit qu’aucune providence ne gouvernait le monde ; pour cela qu’il a imaginé de dire qu’il y avait de bonnes et de mauvaises natures, qu’il suppose le mal sans commencement et matériel ; c’est pour cela enfin qu’il fait tout pour corrompre notre vie. En effet, il n’est pas possible que celui qui mène une telle vie ne soit pas entraîné par les dogmes corrompus, et persévère dans la saine croyance ; ruais de toute nécessité il devra embrasser la mauvaise doctrine. Je ne pense pas, en effet, que l’on puisse parfaitement trouver, parmi ceux qui ne mènent pas une vie droite, quelqu’un qui ne médite mille choses sataniques ; par exemple, que tout marche au hasard et pêle-mêle dans le monde. Ayons soin de bien régler notre vie, je vous en conjure, pour ne point nous laisser aller aux mauvaises doctrines. Caïn eut pour châtiment de gémir et de trembler. Tels sont les méchants : ils ont tellement conscience de leurs maux sans l’ombre que souvent ils se réveillent en sursaut ; leurs pensées sont troublées, leurs yeux égarés ; tout fait naître en eux le soupçon, le doute est partout, leur âme est remplie d’une terreur mêlée d’une attente accablante, elle est bouleversée et rendue par la frayeur incapable d’agir. Rien de plus dissolu que cette âme, rien de plus insensé qu’elle. De même que les fous ne s’arrêtent à rien, de même elle est mobile dans ses pensées ; comment s’apercevrait-elle de son aveuglement, elle qui ne peut qu’à grand-peine, au sein de la paix et de la sérénité, découvrir sa propre noblesse originelle ? Lorsque tout est pour elle objet de trouble et de crainte, songes, paroles, figures, soupçons téméraires,-comment pourrait-elle se contempler elle-même, troublée et agitée ainsi ? Délivrons cette âme de ses craintes, brisons ses chaînes, quand bien même il n’y aurait pas de châtiment futur ; quel châtiment plus dur y