Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais voyez leur violence, car l’auteur ajoute : « Le grand prêtre Ananie ordonna de le frapper à la bouche ». Pourquoi le frappez-vous ? Qu’a-t-il dit d’insolent ? O impudence ! ô audace ! « Alors Paul lui dit : Dieu doit te frapper, muraille blanchie ». Oh ! quelle liberté de parole ! Il le traîne dans la boue à cause de son hypocrisie et de son injustice. Ananie, hésitant, n’ose même pas répondre ; mais ce sont ceux qui l’entourent qui ne peuvent supporter la hardiesse de Paul. Ainsi ils voyaient un homme qui n’avait pas peur de la mort, et ils ne purent le supporter. « Je ne savais pas », dit Paul, « que ce fût le grand prêtre ». Donc, s’il dit cette sévère parole, ce fut par ignorance ; s’il n’en eût pas été ainsi, le tribun l’ayant pris serait parti, ne se serait pas tu, et il l’aurait livré aux Juifs.
3. Paul fait voir ici qu’il souffre volontiers ce qu’il souffre, Et il se disculpe ainsi devant les Juifs ; en montrant qu’il le fait par respect pour la loi. Il les condamnait d’ailleurs tout à fait. Il se disculpe donc à cause de la loi et non à cause du peuple.-Et il avait raison ; car il était injuste de mettre à mort un homme innocent et qui ne leur faisait aucun mal. Ce que Paul a dit n’est donc point une injure, à moins que l’on ne dise aussi que le Christ proférait dès injures lorsqu’il disait : « Malheur à vous, scribes et pharisiens, parce que vous êtes semblables à des murailles blanchies ». (Mat. 23,27) Certainement, direz-vous, s’il eût parlé ainsi avant d’être frappé, ce n’eût pas été de la colère, mais de la franchise. J’ai dit la raison qui le fit parler : il ne voulait pas être traité avec mépris. Le Christ, injurié par les Juifs, leur a souvent dit des paroles qui ressemblaient à des injures. Lorsqu’il leur dit : « Ne croyez pas que je vous accuse » (Jn. 5,45), ce n’est pas là une injure, loin de là. Voyez avec quelle douceur Paul leur parle : « Je ne savais pas », dit-il, « qu’il fût le grand prêtre de Dieu ». Il dit cela, et ajouta ; pour montrer qu’il ne parlait pas par ironie : « Vous ne maudirez pas le prince de votre peuple ». Ne voyez-vous pas qu’il le reconnaît comme le prince du peuple. Apprenons, noua aussi, la mansuétude, pour devenir parfaits en toute chose. On a besoin de beaucoup d’attention pour connaître ce qu’est ceci, ce qu’est cela. Il faut beaucoup d’attention parce que les vices sont voisins des vertus. L’audace n’est pas éloignée de la liberté de parole, la mollesse de la mansuétude. Il faut donc voir de près si, à la place d’une vertu qu’on croit avoir, on ne donne pas dans le vice voisin ; c’est comme si, croyant épouser la maîtresse, on épousait la servante. Qu’est-ce donc que la mansuétude ? qu’est-ce donc aussi que la mollesse ? Lorsque nous voyons les autres lésés, et que nous nous taisons, c’est de la mollesse ; lorsque nous-mêmes nous supportons l’injustice, c’est de la mansuétude. Qu’est-ce que la liberté de parole ? Elle consiste à défendre les autres. Qu’est-ce que l’audace ? C’est de vouloir nous venger nous-mêmes. De même que se lient ensemble la grandeur d’âme et la liberté de parole ; de même s’unissent l’audace et la mollesse. En effet, celui qui ne s’attriste pas pour soi-même, difficilement s’attristera pour les autres ; de même aussi celui qui ne se défend pas soi-même, difficilement ne défendra pas les autres. Lorsque nos mœurs sont pures de toute passion, elles admettent la vertu. De même qu’un corps libre de la fièvre prend de la force ; de même l’âme, libre des passions, prend de la force, aussi. La mansuétude ne saurait exister que dans une âme noble, virile et élevée. Croyez-vous que ce soit peu de chose de souffrir ; et de ne pas s’exaspérer ? Et on ne se trompe pas en disant que le soin des intérêts du prochain est la marque du courage ; en effet, celui qui a assez de force pour triompher d’une si grande passion, saura certainement en vaincre une autre. Par exemple, la crainte et la colère sont deux passions : si vous domptez la colère, certainement vous surmonterez la crainte. Si vous êtes doux, vous dompterez la colère ; si vous triomphez de la crainte, vous serez courageux. D’un autre côté, si vous ne domptez la colère, vous serez audacieux ; si vous ne pouvez triompher de ce vice, vous ne surmonterez pas non plus la crainte ; ainsi donc vous serez craintif. On voit alors se produire les mêmes, effets que dans un corps faible et mal organisé qui rie peut supporter la moindre fatigue : il est bien vite saisi et détérioré par le froid et le chaud. Ce qui est mal constitué périt ; ce qui est bien constitué se soutient toujours. De même la grandeur d’âme est une vertu, la prodigalité lui est voisine ; l’économie est une vertu qui a pour voisines l’avarice et la sordide épargne. Permettez-moi de faire d’autres rapprochements des diverses vertus.