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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/28

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ai », dit-il, « ni or, ni argent ». Il ne dit point, comme nous, je n’ai pas sur moi ; mais absolument : je n’ai pas. Vous rejetez donc ma demande, pouvait lui dire ce boiteux. Non, reprenait Pierre ; mais je vous fais part de ce que j’ai. Voyez l’humble modestie de l’apôtre ! il ne se glorifie point même devant celui dont il va devenir le bienfaiteur. On ne voit ici agir que les lèvres et la main. Ce boiteux représentait les Juifs, qui, au lieu d’implorer la guérison, de leurs âmes, rampaient sur la terre, et ne demandaient que des biens temporels. Ils fréquentaient le temple, mais c’était pour mieux s’enrichir. Quelle fut donc la conduite de l’apôtre ? Il ne méprisa point ce boiteux, et ne chercha point un riche, disant : Si le miracle s’opère à son égard, il ne fera aucun bruit. Ainsi il n’attendit aucune gloire de celui qu’il allait guérir, et il ne le guérit point en présence de nombreux témoins, car il était encore sur le seuil de la porte, et non dans l’intérieur du temple que remplissait la multitude. Pierre ne, s’entoura point de tant ale solennité, et quand il fut entré dans le temple, il ne, publia point ce miracle. Son extérieur seul avait engagé ce boiteux à lui demander l’aumône. Mais, par un prodige nouveau et plus grand, cet homme eut à l’instant la conscience de sa guérison. Tout au contraire, un malade guéri après de longues années, en croit à peine une guérison qu’il voit de ses propres yeux. Or, ce boiteux étant guéri, suivit les apôtres et rendit grâces à Dieu. « Il entra avec eux dans le temple », dit saint Luc, « marchant, sautant et louant Dieu ».
2. Admirez comme il saute de plaisir, et ferme ainsi la bouche à tous les murmures des Juifs. Je croirais aussi que, pour mieux prouver la réalité de sa guérison, il se donnait ces violents mouvements qu’on ne peut feindre. C’était bien ce même homme perclus des deux jambes, et qui ne pouvait se remuer, même pressé par la faim ;-et certes, s’il eût pu marcher seul, il n’eût point voulu partager ses aumônes avec ceux qui l’assistaient. Comment donc aujourd’hui le voudrait-il ? Ou comment feindrait-il une guérison pour faire honneur à des gens qui lui auraient refusé une légère aumône ? Mais il conservait, même après sa guérison, le sentiment d’une vive reconnaissance, et il en donna des preuves dans cette circonstance comme dans la suite. Au reste, il était généralement connu, et c’est ce que dit expressément saint Luc, « Et tout le peuple le vit marcher et louer Dieu. Et tous reconnaissaient que c’était celui-là même qui était assis à la Belle-Porte du temple pour demander l’aumône ». Cette expression « reconnaissaient », est parfaitement juste, car ce ne fut point ce miracle qui le fit connaître, comme nous le disons de ceux dont nous n’avons qu’un vague souvenir. Mais pouvait-on ne pas croire qu’au nom de ce même Jésus qui opérait de si grands prodiges, les péchés étaient remis ?
« Et comme celui qui avait été guéri tenait par la main Pierre et Jean tout le peuple étonné courut vers eux, au portique qui s’appelle le portique de Salomon ». L’attachement et l’amitié ne permettaient pas à ce boiteux de quitter ses bienfaiteurs, et sans doute qu’il les louait et les remerciait. « Et tout le peuple courait vers eux, ce que voyant Pierre, il prit la parole ». Pour la seconde fois le même apôtre agit et parle. Dans le cénacle le prodige de l’universalité des langues lui avait gagné l’attention de ses auditeurs, et dans le temple c’est la guérison de ce boiteux. Alors il avait pris, comme pour texte de son discours, le déicide que les Juifs avaient commis, et maintenant il part du sujet même de leurs pensées. Il ne sera donc pas sans intérêt d’examiner en quoi ces deux discours diffèrent et se ressemblent. Le premier fut prononcé dans le cénacle, avant toute conversion et tout miracle le second, au contraire, le fut en présence du peuple étonné, du boiteux guéri, et d’une foule qui ne doutait plus, et qui ne disait plus : « Ces gens sont pris de vin ». Observez encore que là Pierre parlait au nom de tous les apôtres, et ici au nom seul de saint Jean ; et enfin qu’il s’exprime avec plus de force et de confiance.
Tel est, en effet, le caractère de la vertu ; qu’elle progresse toujours et rie s’arrête jamais. Remarquez aussi que ce premier miracle s’opère dans le temple, afin de fortifier la foi des nouveaux fidèles. Ce n’est donc point dans un lieu retiré, et comme en secret que Pierre agit, et néanmoins ce n’est point dans l’intérieur du temple, où le peuple était nombreux. Mais comment le peuple put-il croire à ce miracle ? Parce que celui-là même sur qui il