Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des âmes, et non des corps ; or, si la santé du corps exige tant de soins, à combien plus forte raison la santé de l’âme, qui a sur le corps une telle prééminence. Ainsi, avoir le nom de magistrat, ce n’est pas être magistrat ; car d’autres aussi sont appelés de grands noms, tels que Paul, Pierre, Jacques, Jean ; mais ce n’est pas à cause des noms qu’ils portent qu’ils sont tels qu’on les appelle : pour ne citer qu’un exemple, bien que je porte le même nom que le dernier des saints que je viens de mentionner, cette homonymie ne fait pas que je sois une seule et même personne avec lui ; je ne suis pas Jean, mais je m’appelle Jean. Ainsi, les hommes dont je parle ne sont pas des magistrats, mais on leur en donne le nom. Et il y en a qui sont magistrats, sans avoir rien de commun avec ceux dont je parle, comme le médecin est médecin, bien qu’il n’exerce pas son art, mais le tienne caché au-dedans de, lui-même. Il y a les magistrats qui se commandent à eux-mêmes.
Il y a pour l’âme trois choses : la maison, la cité, l’univers. Il faut que celui qui est chargé d’édifier une maison à laquelle il sera ensuite préposé, s’applique, au préalable, à régler son âme ; car cette âme est sa maison et s’il ne peut pas gouverner cette maison, où il est le maître, où il habite toujours avec lui-même, comment pourra-t-il n édifier n les autres ? Celui qui peut gouverner son âme, qui peut à telle de ses facultés assurer le commandement, à telle autre imposer l’obéissance, celui-là pourra aussi gouverner sa maison ; or, celui qui sait gouverner sa maison, saura gouverner la cité, et celui qui sait – gouverner la cité, pourra gouverner l’univers. Mais s’il ne peut gouverner son âme, comment pourra-t-il gouverner l’univers ? – J’ai dit tout cela pour que nous ne soyons pas follement engoués de l’autorité et de la puissance, pour que nous voyions bien ce que c’est que le pouvoir ; car ce que je viens de retracer, n’est pas un vrai pouvoir : c’est une dérision, un esclavage, ou de tout autre nom qu’on veuille l’appeler. Dites-moi, quel est le propre d’un magistrat ? N’est-ce pas d être utile à ceux qui sont sous son autorité, et de leur faire du bien ? Or, comment pourra-t-il être utile aux autres, celui qui n’a pu être utile à lui-même ? Celui dont l’âme est en proie aux mille tyrannies des passions, comment pourra-t-il apaiser les passions des autres ?
Le même raisonnement pourrait s’appliquer à notre engouement pour le plaisir. Examinons quels sont ceux qui ont le plaisir en partage. Est-ce, que ce sont les riches,-ou ceux qui ne le sont pas ? Le plaisir n’appartient, absolument parlant, ni aux uns ni aux autres, mais à ceux qui règlent et gouvernent leur âme de manière à ne pas nourrir d’avance en eux-mêmes une foule de sujets de tristesse et de chagrin. Et en quoi, me dira-t-on peut-être, consiste cette manière de vivre ? Car je vous vois tous impatients d’apprendre quelle est donc cette vie ainsi exempte de chagrins. Eh bien ; que ce soit d’abord pour vous une chose constante qu’il y a plaisir, qu’il y a jouissance pour l’homme à ne pas être tourments par de vains désirs, à ne pas ressentir cette sensualité qui recherche la délicatesse des mets et les vins, la somptuosité de la table et le luxe des vêtements. Et si je vous montre que cette vie exempte de chagrins, dont je viens de parler, consiste précisément à réprimer ses désirs et cette sensualité, attachez-vous à cette manière de vivre, et cherchez-y votre plaisir, car beaucoup de sujets de tristesse nous arrivent faute d’avoir convenablement réfléchi. Or, quel est celui des deux qui sera exposé à plus de chagrins : celui qui recherche toutes ces choses que j’ai énumérées, ou celui qui ne s’en préoccupe pas ; celui qui craint les vicissitudes des affaires humaines, ou celui qui ne les craint pas ; celui qui redoute les calomnies, l’envie, les délations, les embûches, l’a mort, ou celui qui est exempt de toi. Toutes ces craintes ; celui qui a besoin de beaucoup de gens, ou celui qui n’a besoin de personne ; celui qui est, pour ainsi dire, l’esclave de tout le monde, ou celui qui n’est l’esclave de personne ; celui qui a mille maîtres, ou celui qui ne craint qu’un seul maître ? C’est donc, dans la condition et dans la situation du second de ces deux hommes, que le plaisir est le plus grand. Attachons-nous donc à ce plaisir, et ne soyons pas engoués des choses présentes, mais tournons en risée les pompes et les vanités du monde, et gardons en tout la mesure, afin que nous puissions passer cette vie sans chagrins, et obtenir les biens promis, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec lequel, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.