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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/290

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sauvés, ils reconnurent que l’île s’appelait Malte ». (Chap. 28,1) Voyez-vous tout le bien qui est sorti de cette tempête ? Si cette tempête est arrivée, ce n’est pas que la main de Dieu les ait abandonnés. Et comment, direz-vous, pouvaient-ils tenir ainsi à jeun, et ne prenant aucune nourriture ? Ils étaient sous l’empire d’une crainte si vive, qu’elle ne leur permettait pas de ressentir les atteintes de la faim, au moment même où ils allaient courir les plus grands dangers. Et la merveille est bien plus grande que, dans un tel moment, ils aient été sauvés du milieu des dangers, lui-même et tous les autres à cause de lui. « Et après avoir déployé la voile de l’artimon, ils tiraient vers le rivage à la faveur du vent ». Il dit cela pour montrer toute la violence de la tempête par laquelle ils étaient ballottés. Car ordinairement ce n’est pas cette manœuvre qu’ils exécutent. Et il a été dit plus haut qu’ils abaissèrent les voiles (c’est ce qui a lieu, quand le veut est violent), pour se garantir ainsi contre, l’impétuosité du vent. Et c’est dans l’Adriatique, où il est si difficile de se sauver, qu’ils se trouvaient exposés à tous ces dangers. « Or nous étions dans le vaisseau deux cent soixante-seize personnes en tout ». Et comment l’auteur de ce récit sait-il qu’il y avait un tel nombre de gens naviguant ensemble ? Il est probable qu’ils ont demandé pour quel motif tous ces hommes naviguaient, et qu’ils ont ainsi tout appris. Ils ne prenaient aucune nourriture, parce qu’ils ne songeaient pas à manger en présence d’un si affreux danger.
Et voyez comme Paul sait mettre à profit, pour enseigner sa doctrine, tons ces retards, tous ces contre-temps ! Et ce n’était pas un petit résultat que d’amener à la vraie foi tous ces hommes ! Mais reprenons de plus haut les paroles de notre texte. « Mais parce que beaucoup de temps s’était écoulé, et que la navigation devenait périlleuse, Paul leur donna cet avis : « les amis, je vois que la navigation s’en va devenir très fâcheuse et pleine de périls ». Remarquez combien ce langage est exempt de tout orgueil : pour ne pas paraître, à leurs yeux, prophétiser, mais parler par simple conjecture. « Je vois », dit-il ; car ils ne l’eussent pas écouté, s’il leur eût dit cela tout de suite, et comme devant certainement arriver…… Dans l’ordre naturel des choses, ils étaient destinés à périr, mais Dieu y a mis des empêchements. « Mais le centenier ajoutait plus de foi aux avis du pilote qu’à ce que disait Paul ». Pour qu’il apparaisse clairement que ce n’est pas par conjecture due Paul a dit tout cela, le pilote dit tout le contraire, lui qui connaît par expérience ces sortes de choses. « Et comme le port n’était pas propre pour hiverner ». Remarquez ceci : les lieux mêmes, ainsi qualifiés, nous apprennent que ce n’était, pas par conjecture que Paul parlait de la sorte : ceux qui paraissent avoir parlé par conjecture, ce sont les passagers, et il yen avait un grand nombre de cet avis, qui conseillent au centenier de mettre à la voile. Mais cela ne leur servit de rien ; car ils ne tardèrent pas à être battus par la tempête, et furent obligés de jeter à la mer une partie de leur chargement. C’est pour montrer cela, que le texte ajoute : « Et comme nous étions rudement battus par la tempête, nous jetâmes de nos propres mains les agrès du vaisseau ». La Providence permet que tout cela arrive, pour qu’à l’avenir ils cessât d’être incrédules. L’ouragan se lève, et d’épaisses ténèbres les enveloppent. Pour éviter le naufrage, ils jettent à la mer et le blé et tout le reste » ; car c’est ce que signifient ces mots : « Nous jetâmes les agrès du navire. Et parce qu’il y avait longtemps que personne n’avait mangé, Paul leur dit : Il fallait m’écouter, pour vous épargner une si grande perte ». Voyez-vous comme la tempête, et ces ténèbres qui les enveloppent, contribuent à les rendre plus dociles ? Quant au centenier, il se montre docile à ce point qu’il laisse les soldats couper les câbles de l’esquif, pour le laisser périr dans les flots. Et ne soyez pas surpris que les matelots ne montrent que plus tard leurs dispositions à croire : cette espèce d’hommes est effrontée, et croit difficilement à ce qu’on lui dit.
Mais vous, considérez ici la prudence de Paul. Il ne prend pas le ton du reproche, de la colère, mais se contente de leur dire doucement : « Il fallait ». Il savait, en effet, que celui qui prend ce ton au moment d’un grand désastre, est mal accueilli, mais qu’il n’en est pas ainsi lorsque le plus grand danger est passé. Il ne les presse donc que lorsqu’ils ont perdu tout espoir de se sauver, et alors même, leur annonce des choses utiles. « Quand la quatorzième nuit fut arrivée », dit le texte, « pleins de crainte, ils attendaient avec impatience