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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/291

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que le jour vint ». Il s’exprime ainsi, de peur que quelqu’un ne vienne à dire qu’il n’était rien arrivé. Et leur frayeur montre lien ce qui s’était passé en effet. « Pleins de crainte », dit-il, « ils attendaient avec impatience que le jour vint ». La position est dangereuse ; car c’est sur la mer Adriatique que tout cela arrive ; et depuis longtemps ils n’avaient pas mangé. « Il y a aujourd’hui quatorze jours », dit-il., « que vous êtes à jeun, et que vous n’avez rien pris en attendant la fin de la tempête ». Ainsi, tout concourait à les mettre, pour ainsi dire, aux portes de la mort. C’est pourquoi il ajoute : « Je vous exhorte à prendre de la nourriture, car ce n’est qu’ainsi que vous pourrez vous sauver », c’est-à-dire, prenez de la nourriture pour ne pas mourir de faim. « Et ayant pris du pain », dit le texte, « il rendit grâces à Dieu ».
4. Cette action de grâces pour ce qui vient de se passer non seulement les fortifie, mais encore leur donne du courage. « Or, nous étions dans le vaisseau deux cent soixante-seize personnes en tout ». C’est de tout ce monde qu’il a dit : Il ne périra pas, d’entre a vous, une seule âme ». Cette prédiction qu’ils seront tous sauvés, ne peut partir que d’une âme qui est en possession d’une certitude pleine et entière. « Quand ils furent rassasiés, ils soulagèrent le vaisseau en jetant le blé dans la mer ». Avez-vous remarqué qu’ils ne croient Paul qu’en ce qui concerne le conseil qu’il leur a donné de prendre de la nourriture, et que déjà, ils s’en rapportaient tellement à Paul pour tout le reste, qu’ils jetaient le blé dans la mer. Voyez comme ils se laissent aller, dans leurs actions, à des sentiments tout humains, sans que Paul les en empêche. « Le jour étant venu, ils lâchèrent les attaches du gouvernail… Et les soldats étaient d’avis de tuer les prisonniers ». Ne pensez-vous pas qu’en cela encore ceux-ci auront été reconnaissants envers Paul ? En effet, c’est à cause de lui que le centenier ne permit pas qu’on les tuât. Et ce qui me fait croire plue ces hommes étaient évidemment des scélérats, c’est qu’on se décide à les mettre à mort de préférence aux autres. Mais on n’en fit rien, parce qu’on en fut empêché par le centenier : les uns donc se sauvèrent à la nage, les autres sur des radeaux ; de sorte qu’il n’y eut pas un seul des passagers qui n’échappât à la mort, et que la prophétie reçut enfin son accomplissement, bien que sans éclat, quant à la durée du temps écoulé : en effet, ce n’était pas plusieurs années à l’avance que Paul avait prédit ces événements, mais il s’était contenté de suivre comme pas à pas la marche naturelle des choses. Tout ici dépassait les espérances purement humaines, et ce ne fut qu’au prix de leur, propre délivrance qu’ils apprirent qui il était. On dira peut-être : mais pourquoi n’a-t-il pas sauvé aussi le navire ?
Pour qu’ils sussent bien à quels dangers ils venaient d’échapper, et parce que rien n’arrivait ici par l’effet d’un secours purement humain, mais par la main de Dieu qui les a sauvés, bien qu’ils n’aient plus de navire. Ainsi les justes, dans le déchaînement même des tempêtes, au milieu des flots d’une mer en courroux, non seulement ne souffrent aucun mal, mais encore ont le pouvoir de sauver ceux qui sont avec eux. Si ces prisonniers, après que le navire a été ballotté par les flots et a fait naufrage, ont été sauvés par Paul, songez combien on doit s’estimer heureux de posséder dans sa maison un saint homme ; car sur cette terre, bien des tempêtes tout autrement terribles que celles-là, se déchaînent sur nous ; mais Dieu peut nous sauver, pourvu que nous écoutions les saints, comme firent ces prisonniers, pourvu que nous lassions ce qu’ils nous prescrivent. Et ils ne sont pas sauvés purement et simplement, mais encore ils ont porté avec eux la foi dans le monde. Bien qu’un saint soit enchaîné, il opère encore de plus grandes choses que ceux qui sont libres. Et remarquez que c’est ce qui arrive ici. Le centenier, tout libre qu’il était de ses mouvements, avait besoin de cet homme enchaîné ; le pilote, si expérimenté dans son art, avait besoin de celui qui n’entendait rien à cet art, et qui, en réalité, était en ce moment le vrai pilote.
En effet, ce n’était pas ce navire-là, mais l’Église universelle qu’il gouvernait, non à l’aide d’un art tout humain, mais en vertu d’une science toute spirituelle, après avoir appris ce gouvernement de Celui qui est aussi le maître de la mer. Pour ce navire, il y a aussi bien des écueils, bien des flots soulevés, bien des souffles de malice a Ce n’est que combats au-dehors, que frayeurs au dedans ». De sorte que le véritable pilote, c’était lui.