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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/292

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Jetez un coup d’œil sur l’ensemble de la vie humaine. Tantôt nous sommes l’objet de toute la bienveillance de nos semblables ; tantôt nous sommes ballottés au gré de leurs caprices, et souvent aussi nous tombons dans mille maux par nos propres folies ou par nos propres négligences, mais bien plus encore parce que nous n’écoutons pas Paul, et que nous nous hâtons d’aller là où il ne veut pas que nous allions. En effet, maintenant encore il est embarqué avec nous, mais sans être enchaîné comme il l’était alors ; maintenant encore il exhorte ceux qui naviguent sur la mer de ce monde, et leur dit : « Prenez garde à vous-mêmes, car je sais qu’après mon départ, il entrera parmi vous des loups ravissants ». Et encore : « Dans les derniers jours, il viendra des temps fâcheux, et il y aura des hommes amoureux d’eux-mêmes, avares, glorieux » : Et ce vent-là est bien le plus dangereux pour ceux qui traversent les flots agités de cette vie.
5. Restons donc où il nous ordonne de rester, dans la foi, qui est pour nous le port le plus sûr ; écoutons-le plutôt que ce pilote qui est en nous, c’est-à-dire, notre raison. Ne faisons pas ce que nous suggère ce pilote, faisons ce que Paul nous recommande : il a déjà traversé sans péril bien d’autres tempêtes. N’attendons pas l’expérience pour nous instruire, mais avant toute expérience, sachons éviter l’outrage et la ruine. Écoutons-le nous disant : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation ». Ajoutons foi à ces paroles, sachant ce qui est arrivé à ceux qui n’ont pas voulu l’écouter. Et, dans un autre endroit, il explique d’où viennent les naufrages. « Quelques-uns ont fait naufrage, en perdant la foi ». Persistez donc dans les doctrines qui nous ont été enseignées, et auxquelles vous avez cru. Ajoutons foi aux paroles de Paul, et nous serons délivrés de tous les périls, alors même que nous serions au plus fort de la tempête, que nous serions restés quatorze jours à jeun, que tout espoir de salut serait perdu, que nous serions plongés dans les plus épaisses ténèbres. Considérons l’univers entier comme un navire sur lequel nous voguons, et où nous avons pour compagnons de notre traversée des méchants, des hommes perdus dé vices, les uns qui nous commandent, les autres qui nous gardent, et, à côté de quelques justes, comme Paul, des prisonniers, c’est-à-dire, des hommes qui sont dans les liens du péché. Si nous croyons à la parole de Paul, bien qu’enchaînés, nous ne périrons pas, mais, tout au contraire, nous serons délivrés de nos chaînes. Car, à nous aussi, Dieu pardonnera en sa faveur. Ne pensez-vous pas que lés péchés et les passions sont de bien lourdes chaînes ? C’est sur l’homme tout entier, et non sur ses mains seulement, qu’elles s’appesantissent. En effet, dites-moi : lorsqu’un homme, qui a acquis de grandes richesses, ne les emploie ni ne les dépense, mais les garde dans ses coffres, n’est-il pas chargé, par sa parcimonie même, de chaînes plus dures que quelque prisonnier que ce puisse être ? De même, quand un homme s’abandonne aux caprices du sort, ne se charge-t-il pas d’une autre espèce de chaînes ? Et lorsqu’il se livre à des pratiques superstitieuses ; lorsqu’il consulte les présages ; ou bien, lorsqu’il est la proie de quelque passion insensée ou de l’amour, ne trouve-t-il pas dans tout cela des chaînes plus lourdes que toutes celles qu’on pourrait imaginer ? Et qui pourra briser toutes ces chaînes ? Évidemment, nous ne pouvons en être délivrés que par l’aide de Dieu. Et une seule de ces choses suffit pour nous mettre en danger : mais si nous nous trouvons à la fois enchaînés, et ballottés par la tempête, jugez du danger dans lequel nous sommes. La faim, la tempêté, la méchanceté de nos guides, un contre-temps, chacun de ces maux pris à part ne suffit-il pas pour nous perdre ? Eh bien, c’est à tous ces maux réunis que Paul résista glorieusement. Or, il en est de même aujourd’hui : retenons les saints auprès de nous, et il n’y aura pas de tempête. Que dis-je ? S’il s’élève une tempête, peu après un grand calme, une grande sérénité lui succéderont, et, par suite, nous serons délivrés de tout danger, comme cette veuve qui avait donné l’hospitalité à un saint, par l’intercession duquel son fils ressuscité fut rendu aux embrassements de sa mère. Là où les saints mettent les pieds, il n’arrivera, rien de fâcheux ; ou s’il arrive quelque chose de fâcheux, cela n’arrive que pour nous éprouver et procurer la plus grande gloire de Dieu. Faites en sorte que le pavé de vos demeures soit souvent foulé par de tels pieds, et il ne le sera pas par ceux du démon. Et il est bien juste qu’il en soit ainsi. Un suave parfum qui embaume l’air, ne laisse pas de place aux