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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/295

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d’autres que la renommée avait attirés, vinrent au-devant d’eux ; l’affection qui unissait entre eux tous ces frères était si vive, qu’ils ne furent pas troublés dans leur résolution par cette pensée que Paul était dans les fers, mais se hâtèrent de venir au-devant de lui. – Avez-vous remarqué en même temps comme l’âme, de Paul, en cette circonstance, s’ouvre à des sentiments tout humains. Les ayant vus, dit notre texte, il fut rempli d’une nouvelle confiance. Bien qu’il eût déjà opéré tant de prodiges, il n’en puisa pas moins, dans cette vue de ses frères, de nouvelles forces, un nouveau Courage. Et cela nous apprend que, comme celle des autres hommes, son âme s’abandonnait tantôt au découragement, tantôt à l’espérance. « Quand nous fûmes arrivés à Rome, il fut permis à Paul de demeurer où il voudrait avec un soldat qui le gardait (16) ». C’est une bien forte preuve qu’il était l’objet de l’admiration publique : déjà on ne le mettait plus sur le même rang, que les autres prisonniers. « Or il arriva que trois jours après, Paul pria les principaux d’entre les Juifs de le venir trouver ». Trois jours après, c’est-à-dire, avant qu’on eût eu le temps de semer des préventions dans leurs esprits. Qu’y avait-il de commun entré eux et lui ? Ce n’étaient pas ces Juifs qui devaient l’accuser. – Mais Paul néglige cette circonstance : il veut leur enseigner sa doctrine dès ce moment.
2. Les Juifs donc qui avaient été témoins de tant de prodiges, le persécutaient, le chassaient ; et les barbares, qui n’avaient rien vu, étaient touchés de compassion au seul spectacle de ses malheurs. « Cet homme », disent-ils, « est sans aucun doute quelque meurtrier ». ils ne disent pas simplement : « C’est un meurtrier » ; mais : « sans aucun doute », c’est-à-dire, qu’à leurs yeux la chose est certaine. « Et la vengeance divine », ajoutent-ils, « le Poursuit « encore et ne veut pas le laisser vivre ». En parlant ainsi, ils montraient qu’ils tenaient grand compte de la Providence, de sorte que les barbares étaient beaucoup plus philosophes que les philosophes mêmes. Ceux-ci, en effet, croient devoir retrancher ce monde sublunaire de l’ensemble des êtres auxquels s’étend l’action de la Providence ; ceux-là, au contraire, croient que Dieu est présent partout, et que l’on a beau se soustraire à son action, on finit toujours par se retrouver sous sa main puissante. Et voyez que non seulement ils ne se permettent absolument rien contre Paul, mais encore qu’ils le respectent, touchés de ses malheurs. Et on ne lée voit pas publier partout ce qu’ils pensent sur son compte ; c’est en se parlant entre eux qu’ils disent : « Cet homme est sans doute quelque meurtrier », et les chaînes dont ils le voyaient chargé, ainsi que ses compagnons, éveillaient naturellement ce soupçon dans leur esprit. Qu’ils rougissent ceux qui disent : Ne faites pas du bien à ceux qui sont en prison. —. Que cette conduite des barbares les fasse rougir : ces barbares ne savaient pas qui étaient ces hommes, mais il leur a suffi d’apprendre, au seul spectacle de leurs infortunes, qu’ils étaient des hommes, et à l’instant même ils les ont accueillis avec humanité : « Après avoir attendu longtemps », c’est-à-dire, que pendant longtemps ils s’attendaient à ce que Paul mourrait. Mais lui secoua la vipère dans le feu, et leur montra sa main qui n’avait reçu aucun mal. A cette vue, ils furent comme frappés de stupeur et d’étonnement. Et ce prodige ne fut pas opéré à leurs yeux d’une manière soudaine ; ils attendirent quelque temps avant de l’apercevoir, de manière que l’imagination n’était ici pour rien, et qu’il n’y avait ni supercherie, ni surprise. « Il y avait en cet endroit des terres qui appartenaient à un nommé Publius, le premier de cette île, qui nous reçut fort humainement, et exerça envers nous l’hospitalité ». Expressions bien justes, car il n’appartient qu’à un homme bon et généreux de donner l’hospitalité à deux cent soixante et dix personnes. Mais considérez les grands profits que donne l’hospitalité ! Ce n’est pas par nécessité, ce n’est pas malgré lui, mais parce qu’il pense y trouver quelque avantage, qu’il leur donne l’hospitalité pendant trois jours : c’est donc à bon droit qu’il reçoit la récompense de tant de générosité, récompense qui passe de beaucoup tout ce qu’il a fait. En effet, Paul commence par guérir son père de la dysenterie à laquelle il était sur le point de succomber, et non seulement son père, mais encore beaucoup d’autres malades qui le dédommagent de ses soins, en lui prodiguant les témoignages de respect et les provisions au moment de son départ. « Ils nous rendirent de grands honneurs, et ils nous pourvurent de tout ce qui nous était nécessaire pour notre voyage ». Ce n’est pas que Paul reçoive tout cela comme un salaire loin de nous cette idée ! Mais ainsi s’accomplissent