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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/297

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pour nous que celui d’Abel ». (Héb. 12,24) Caïn a délivré des incertitudes de l’avenir ; il a augmenté l’éclat de la récompense qui lui était destinée : nous avons tous vu dans l’Écriture la tendresse que Dieu avait pour lui. Quel tort lui a été fait, parce que sa, vie a fini un peu plus tôt ? Aucun. Que gagnent, dites-moi, ceux pour lesquels elle se prolonge un peu plus ? Rien. Car le bonheur ne consiste pas à passer dans ce monde un peu plus ou un peu moins d’années, mais à bien user du temps que nous y passons. – Les trois enfants furent jetés dans la fournaise, et par la ils ont acquis une gloire immortelle. Daniel fut jeté dans la fosse aux lions, et-il en est sorti glorieux et triomphant.
3. Vous voyez que partout de grands biens sont sortis des épreuves, dans l’histoire de l’ancienne alliance. A combien plus forte raison doit-il en être ainsi dans la nouvelle ! La malice des hommes ne fait que rendre la vertu plus éclatante, à peu près comme il arrive à celui qui, à l’aide d’un simple roseau, veut se battre contre le feu : on dirait qu’il le bat, mais en réalité le feu n’en devient que plus flamboyant, et le roseau se réduit en cendres. Ainsi la vertu se nourrit et se fortifie au milieu des pièges que lui tend la malice des hommes, et n’en devient que plus éclatante. Dieu se sert au besoin, pour nous grandir, des injustices mêmes qui nous sont faites. De même, le démon, lorsqu’il intervient dans quelque affaire semblable, ne fait qu’ajouter à la gloire de ceux qui supportent vaillamment ses attaques. Comment se fait-il, dites-vous, que les choses ne se soient pas pissées ainsi à l’égard d’Adam, et que, tout au contraire, il ait été déchu de sa dignité première ? Je réponds qu’à son égard aussi ; Dieu s’est servi, comme il le fallait, de l’épreuve, et que c’est lui-même qui s’est causé tout Je dommage qu’il a pu éprouver. Ce qui nous vient d’autrui ; est pour nous la cause de grands biens : il n’en est pas de même de ce qui vient de nous-mêmes. Comme le tort que nous font les autres nous cause du chagrin, et que nous n’en ressentons pas pour le tort que nous nous faisons à nous-mêmes, Dieu se plaît à faire voir que celui qui est injustement traité par autrui, est glorifié, et qu’au contraire, celui qui se fait du tort à lui-même en éprouve du dommage, afin que nous supportions avec courage l’un de ces torts, et que nous nous abstenions de tout ce qui pourrait constituer l’autre. Au reste, ces deux genres de torts se réunissent en la personne d’Adam. – Pourquoi as-tu ajouté une foi aveugle aux paroles de ta femme ? Pourquoi ne l’as-tu pas repoussée, lorsqu’elle te conseillait des choses funestes ? Tu as été la cause de tout : car si c’était le démon, il faudrait que ceux qu’il tente pareillement, succombent et périssent tous ; s’ils ne périssent pas tous, c’est donc à l’homme qu’il faut remonter pour trouver la cause première du, péché.
Mais, direz-vous, si la cause du mal est en nous, faudra-t-il admettre que l’on se perd même sans l’intervention du démon ? – Eh bien ! c’est ce qui arrive : plusieurs se perdent en – dehors de toute action du démon. Oui, celui-ci ne fait pas tout le mal ; notre lâcheté seule est la cause de beaucoup de choses : ou, si c’est à l’action du démon qu’elles peuvent être attribuées, c’est nous-mêmes qui lui avons fourni l’occasion d’agir : Dites-moi ; à quel moment le démon eut-il tout pouvoir sur Judas ? – Lorsque Satan ; me direz-vous, entra en lui. – Mais écoutez pour quel motif il y entra parce que c’était un voleur, et qu’il dérobait l’argent des aumônes. – Judas lui-même a donc ouvert à Satan une large entrée. Ainsi, ce n’est pas le démon, qui prend l’initiative : c’est nous qui l’appelons et le recevons n nous. – Mais ; direz-vous, sans lui, le mal que nous commettons ne serait pas si grand. – Oui, mais dans ce cas, nous devrions nous attendre à d’affreux supplices : maintenant, mes chers amis, et dans l’état actuel des choses ; une certaine douceur tempère les châtiments infligés à nos fautes. Si c’était de nous-mêmes, et de nous seuls qu’elles procédaient, ces châtiments seraient intolérables. Dites-moi, la faute commise par Adam, s’il l’eût commise en dehors de tout conseil et de toute suggestion, qui eût pu ensuite le soustraire aux dangers auxquels cette première faute l’exposait ? Dans ce cas, il n’eût pas commis de faute, direz-vous. – D’où le savez-vous ? En effet, celui que fut assez simple, assez sot, pour admettre un tel conseil, eût, à bien plus forte raison, agi par lui-même comme il l’a fait. Quel démon a soufflé dans l’âme des frères dé Joseph le feu de la jalousie ? – Veillons sans cesse sur nous-mêmes ; mes chers amis, et les pièges mêmes du démon tourneront à notre gloire. Quel mal lit-il à Jota en déployant contre lui tous ses artifices ? – Ne nous parlez pas ainsi, direz-