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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/298

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vous : un infirme est nécessairement exposé à éprouver quelque dommage. – Oui, mais cet infirme éprouvera ce dommage, alors même que le démon n’existerait pas. – Me direz-vous que ce dommage sera bien plus grand, si, à celle cause première de mal pour lui, s’ajoute l’opération même du démon ? – Je vous réponds qu’il est moins puni, si c’est avec cette coopération qu’il pèche : car tous les péchés ne sont pas suivis des mêmes châtiments. Ne nous trompons pas nous-mêmes : si nous veillons sur nous, le démon ne sera pas en nous l’auteur du mal : celui-ci sert bien plutôt à nous secouer dans notre sommeil, à nous réveiller. En effet, supposez un moment avec, moi qu’il n’y a pas de bêtes féroces, qu’il n’y a pas d’intempéries de l’air, qu’il n’y a pas de maladies, de douleurs, de chagrins, ni aucun autre mal physique de ce genre : dites-moi, dans ce cas, que serait l’homme ? A mon avis, il ressemblerait plus au plus vil des animaux qu’à un homme, plongé qu’il serait dans toutes les voluptés, sans que rien ne vînt jamais le troubler dans ses grossières jouissances. Actuellement, les soucis, les inquiétudes dont il est assailli, ont pour lui comme un apprentissage, comme une école de philosophie, un excellent instrument d’éducation et de perfectionnement moral. Faites une autre supposition : figurez-vous l’homme élevé dans un palais, exempt de toute douleur, de tout souci, de toute préoccupation d’esprit, sans aucune occasion de se mettre en colère ou d’éprouver quelque déception, pouvant faire tout ce qu’il veut ; obtenant tout ce qu’il désire, et trouvant toujours ses semblables disposés à lui obéir est-ce qu’un tel homme, au point de vue rationnel, ne serait pas au-dessous de quelque animal que ce puisse être ?
Dans ce monde donc, les malheurs, les souffrances sont pour l’âme comme fa pierre à aiguiser : aussi les pauvres, ballottés, éprouvés qu’ils sont par tant de tempêtes, sont-ils, en général, plus intelligents que les riches. Un corps paresseux et toujours en repos est sujet aux maladies, et perd même, dans cette inertie, quelque chose de sa beauté naturelle : il en est tout autrement d’un corps qui trouve dans le travail l’occasion d’exercer ses forces. L’âme éprouve quelque chose de semblable. Le fer se rouille, si on ne s’en sert pas ; il brille, au contraire, si on l’emploie, à quelque usage. Il en est ainsi de l’âme : il lui faut le mouvement ; or, le mouvement, elle le trouve dans les épreuves et dans les soucis qui l’assiègent. Si l’âme est privée de mouvement, les arts eux-mêmes périssent ; or, le mouvement pour elle naît des difficultés qu’elle rencontre, des contrariétés qu’elle éprouve. Sans les contrariétés, il n’y aurait rien pour la mettre en mouvement, de même que l’art lui-même ne trouverait pas de matière à s’exercer, si la perfection existait partout clans les œuvres de, la nature. L’âme aurait une certaine laideur si, sans effort de sa part, elle était comme portée partout. Ne voyez-vous pas que nous prescrivons aux nourrices de ne pas porter toujours les enfants dans leurs tafias, de peur que cétane tourne pour eux en habitude, et qu’ils né deviennent faibles et maladifs. Ceux qui sont nourris sous les yeux mêmes ale bons parents sont souvent plus chétifs que les autres, par suite des ménagements excessifs dont ils sont l’objet et qui altèrent leur santé-: Urne douleur modérée, des inquiétudes modérées ; et même une certaine pauvreté, sont bonnes à l’âme : car les bonnes choses, et leurs contraires, mais à un degré modéré, nous rendent également forts ; c’est leur excès seul qui nous perd : l’excès des unes nous amollit, l’excès des autres nous brise. N’avez-vous pas remarqué que c’est ainsi que le Christ a élevé ses disciples ? Si ceux-ci avaient besoin de passer par les épreuves, à combien plus forte raison nous sont-elles nécessaires ? Si elles nous sont nécessaires, ne nous fâchons pas, mais, tout au contraire, réjouissons-nous dans les tribulations : car tels sont tes remèdes qu’il convient. d’appliquer à nos blessures : les uns sont amers, les autres sont doux : employé séparément, chacun de ces deux genres de remèdes serait tout à fait inefficace. Rendons donc grâces à Dieu pour toutes ces choses prises ensemble ; car ce n’est pas sans raison qu’il permet qu’elles nous arrivent toutes indistinctement, mais parée que cela convient au plus grand bien de nos âmes. Élevant donc vers lui nos cœurs reconnaissants, rendons-lui grâces, glorifions-le, luttons courageusement, en songeant que nos épreuves – ne durent qu’un temps, et en tournant toutes nos pensées vers les biens de l’éternité, afin que, après avoir supporté avec résignation, soutenus par ces pensées, le poids de nos misères présentes, nous méritions d’obtenir de Dieu les biens à venir, par la grâce et