Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

24]]) Cependant l’Écriture dit qu’il n’avertit point ses enfants, c’est-à-dire qu’il ne le fit pas avec assez de force et de sévérité. De plus, n’est-il pas absurde de voir, parmi les Juifs, un chef de synagogue parler en maître et se faire obéir, tandis qu’ici ma parole est méprisée et dédaignée ? Je ne cherche point ma propre gloire et je n’en veux point d’autre que vos mœurs chrétiennes ; mais je cherche votre, salut. Chaque jour je crie, je tonne à vos oreilles, et malgré la véhémence de mes paroles, personne ne m’écoute. Ah ! combien j’ai à craindre qu’au jour du jugement je ne rende compte de ma trop grande indulgence ! C’est pourquoi je vous le déclare à haute et intelligible voix : j’interdis l’entrée de l’église à quiconque se permettra encore de parler le langage de Satan, c’est-à-dire de jurer.
Je vous donne un mois pour vous corriger ; et ne m’alléguez point la nécessité de vos affaires ni la défiance que l’on a de votre parole, car vous pouvez changer cette habitude de tout attester par serment. Je sais bien que je vais prêter à la critique ; mais il vaut mieux pour moi d’être critiqué pendant ma vie que de brûler après ma mort. Au reste, qui rira de moi, sinon les insensés ? Car quel homme sage blâmerait mon zèle à faire observer la loi divine ? Mais les plaisanteries des méchants retomberont bien moins sur moi que sur Jésus-Christ lui-même.: Ce mot vous fait horreur, et cependant il est vrai. Si j’étais l’auteur de cette loi, ces froides railleries m’atteindraient ; mais puisque Jésus-Christ en est le législateur, elles se dirigent contre lui. Oui, il a été autrefois moqué, frappé à la joue et souffleté, et aujourd’hui encore il reçoit absolument les mêmes outrages. Aussi nous menace-t-il de l’enfer et du ver qui ne meurt pas.
Je le répète donc et je vous le déclare de nouveau : Rira et raillera qui voudra, peu m’importe ; car je ne suis en place que pour être moqué et honni, et pour tout souffrir, étant, selon l’apôtre, « la balayure du monde ». (1Cor. 4,13) Mais quiconque enfreindra le précepte qui défend de jurer, j’interdis, comme à son de trompe, l’entrée de l’église, fût-il prince ou même empereur. Déposez-moi de ma charge, ou, si vous m’y laissez, ne m’exposez pas au péril de la damnation. Et comment oserais-je m’asseoir sur ce trône ; si je ne fais rien de grand ? Il vaudrait beaucoup mieux alors que j’en descendisse, car je ne connais pas de position plus triste que celle d’un évêque qui est inutile à son peuple.
Convertissez-vous donc, je vous en supplie, et veillez sur vous-mêmes réunissons nos efforts et nous obtiendrons quelque succès. Avec moi employez le jeûne et la prière pour demander à Dieu qu’il vous accorde de déraciner cette funeste habitude. Est-il une gloire comparable à celle d’être les docteurs de l’univers ? Et, ne sera-ce pas déjà beaucoup si partout on sait que le jurement est inconnu dans Constantinople ? Par là vous aurez droit à une double récompense, parce que vous aurez été vertueux et zélés pour la sanctification de vos frères. Car ce que je suis au milieu de vous, vous le serez à l’égard de toutes les nations pas une qui ne veuille vous imiter, en sorte que, vous luirez à tous les regards comme la lampe placée sur le chandelier. Est-ce tout ? non certainement, et ce n’est que le commencement d’une vie vraiment chrétienne, car celui qui s’interdit le jurement s’adonnera bientôt, bon gré, mal gré, par honte ou par crainte, à la pratique des autres vertus.
Mais plusieurs, me direz-vous, vont se retirer, choqués de vos paroles. Eh ! ne savez-vous pas « qu’un seul qui fait la volonté de Dieu, vaut mieux que mille impies ». (Sir. 16,3) Aussi tout vous semble-t-il bouleversé, et sens dessus dessous, parce que, comme au théâtre, nous estimons plus le choix que le nombre des personnes. Et, en effet, à quoi sert le nombre ? Voulez-vous connaître combien un saint l’emporte à lui seul sur toute une multitude ? opposez-lui une armée entière, et vous verrez qui fera de plus grandes choses. Josué fils de Navé, combattit seul contre les ennemis d’Israël, et il les vainquit, tandis que d’autres chefs succombèrent avec de – nombreuses armées. Ainsi, mon cher frère, une multitude qui ne fait pas la volonté de Dieu, est nulle. Sans doute, je désire et je souhaite, même aux dépens de ma vie, que cette Église brille par la multitude de ses fidèles, mais de véritables fidèles : et si je ne puis en réunir un grand nombre, je me consolerai par l’excellence du choix. Un seul diamant n’est-il pas plus précieux que mille oboles ? ne vaut-il pas mieux avoir l’œil bon et sain que de le perdre et de devenir gras et obèse ? n’est-il pas plus avantageux de ne posséder qu’une brebis, que d’en avoir cent attaques de la teigne ? enfin, un père ne préfère-t-il pas deux