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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/313

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craint personne, non seulement aucun homme, mais pas même le diable ; celui, au contraire, qui offense Dieu, parût-il-être en sécurité, se défie de tout le monde. Car la nature humaine est inconstante : non seulement des amis et des frères, mais souvent des pères, changeant de sentiments pour le plus léger motif, ont rejeté celui qu’ils avaient engendré, qu’ils avaient procréé, et cela plus cruellement que ne l’eut fait tout ennemi ; de même des fils ont rejeté leurs pères. Songez-y bien.
2. David trouva grâce devant Dieu, Absalon trouva grâce devant les hommes : vous savez quelle fut la fin de l’un et de l’autre, et lequel fut le plus glorieux. Abraham trouva grâce devant Dieu, et Pharaon devant les hommes car pour plaire à celui-ci, ils lui livrèrent la femme du juste. Chacun sait lequel fut le plus illustre, lequel fut heureux. Mais pourquoi parler des justes ? Les Israélites trouvèrent grâce devant Dieu, et étaient haïs des Égyptiens ; et cependant ils triomphèrent de ceux qui les haïssaient, et cela de la manière éclatante que vous connaissez. Portons donc tous nos soins sur ce point : que l’esclave même désire trouver grâce devant Dieu plutôt que devant son maître ; que la femme cherche à plaire à son Sauveur plutôt qu’à son époux ; que le soldat recherche la bienveillance d’en haut avant celle de son roi et de son chef ; c’est le moyen de devenir aimable, même aux yeux des hommes. Mais comment trouvera-t-on grâce devant Dieu ? Par quel moyen, sinon par l’humilité ? « Dieu », est-il dit, « résiste aux superbes et accorde sa grâce aux « humbles » (Prov. 3,34) ; et encore : « Un esprit contrit est un sacrifice au Seigneur, et à Dieu ne rejettera point un cœur humilié ». (Ps. 50,19) Si l’humilité est si agréable aux yeux des hommes, beaucoup plus l’est-elle devant Dieu. C’est par là que les gentils ont trouvé grâce, c’est par là que les Juifs sont déchus de la grâce « Car ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu ». (Rom. 10,3) L’homme humble est doux et gracieux pour tous : il vit dans une paix continuelle et n’a aucune guerre à soutenir. Qu’on l’injurie, qu’on l’outrage, qu’on lui dise ce qu’on voudra, il se taira, il supportera tout avec douceur, et se tiendra devant les hommes et devant Dieu dans une paix qu’on ne saurait exprimer. Au fond, les commandements de Dieu se résument en un seul mot : avoir la paix avec les hommes, et notre vie est réglée si nous vivons en paix les uns avec les autres. Pour Dieu, personne ne peut lui faire tort ; sa nature est indestructible et bien au-dessus de toute atteinte.
Rien ne rend un chrétien admirable comme l’humilité. Écoutez Abraham dire : « Je suis terre et cendre » (Gen. 18,27), et Dieu déclare que « Moïse fut le plus doux des hommes ». En effet, rien de plus humble que Moïse qui, placé à la tête d’un si grand peuple, après avoir submergé dans la mer, comme un essaim de mouches, le roi et toute l’armée des Égyptiens, après avoir fait tant de prodiges en Égypte, sur la Mer Rouge et dans le désert, et avoir obtenu un si grand témoignage, ne se regardait cependant que comme un homme du commun. Le gendre était plus humble que le beau-père, et il reçut son conseil. Il ne s’offensa pas, il ne dit point : Qu’est-ce que ceci ? Après tant et de si glorieuses choses, tu viens nous donner des conseils ? Ce que font pourtant bien des gens qui dédaignent même le meilleur avis, à raison de l’humble apparence de celui qui le donne. Ainsi n’agit point Moïse, qui se réglait en tout par l’humilité. C’est parce qu’il était réellement humble qu’il méprisa la cour des rois, car l’humilité purifie et élève l’âme. Quelle grandeur d’esprit et de cœur ne fallait-il pas pour mépriser le palais et la table d’un roi ? Chez les Égyptiens, les rois étaient honorés comme des dieux, et jouissaient de trésors immenses. Et cependant quittant tout cela, rejetant même le sceptre de l’Égypte, il court aux captifs, aux opprimés, à ceux qui se consument dans le travail de l’argile et de la brique, que les esclaves du roi avaient en horreur [il nous le dit lui-même : les Égyptiens les avaient en abomination] (Ex. 1,13) ; il accourt à eux et les préfère à leurs maîtres. Il est donc évident que cet homme humble est grand et magnanime. Car l’arrogance est le propre (est le produit) d’un esprit bas et d’un cœur sans générosité, tandis que la douceur provient d’une grande intelligence et d’une âme élevée.
3. Éclaircissons, si vous le voulez, ces deux points par des exemples. Dites-moi : Qui fut plus grand qu’Abraham ? Et c’est cependant lui qui disait : « Je suis terre et cendre » (Gen. 18,27) ; c’est lui qui disait : « Qu’il n’y ait pas de débat entre vous et moi ». (Gen. 13,8) Néanmoins cet homme si humble dédaigna