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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/314

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le butin fait sur les Perses et les trophées remportés sur les barbares, et cela, par élévation et grandeur d’âme. Car l’homme sincèrement humble est seul grand, et non le flatteur, ni celui qui parle par ironie. Autre chose est la grandeur d’âme, autre chose l’orgueil insensé ; et ceci en est la preuve.

En effet, si quelqu’un prenant l’argile pour de l’argile, la méprise ; et si un autre l’admire et l’estime comme de l’or, lequel des deux sera grand ? N’est-ce pas celui qui refuse son estime à de l’argile ? Lequel sera bas et vil ? N’est-ce pas celui qui l’admire et y attache un grand prix ? De là concluez que celui qui se dit terre et poussière est grand, bien qu’il parle par humilité ; et que celui qui ne se croit pas terre et poussière, mais s’estime et a une haute opinion de lui-même, est abject, puisqu’il attache un grand prix à des choses viles. D’où il suit que c’était par un sentiment très élevé que le patriarche prononçait cette parole : « Je suis terre et poussière » ; par grandeur, et non par orgueil. Car de même que pour le corps autre chose est la santé et l’embonpoint, autre chose l’inflammation, bien que l’une et l’autre produisent une certaine proéminence dans la chair, mais maladive dans un cas et saine dans l’autre : ainsi autre chose est l’orgueil qui est une inflammation, autre chose est l’élévation qui est la bonne santé.

De plus, un homme peut être grand par la taille de son corps ; un autre, petit de stature, peut se rehausser au moyen de cothurnes ; dites-moi, lequel des deux appellerons-nous grand ? N’est-il pas évident que ce sera celui qui est grand par lui-même ? Car l’autre a recours à des moyens artificiels, et n’est devenu grand qu’en montant sur des objets bas : ressource de bien des hommes, qui se hissent sur les richesses et sur la gloire, ce qui ne fait point l’élévation. L’homme vraiment grand est celui qui n’a pas besoin de ces choses, mais les méprise toutes, parce qu’il a en lui-même sa propre grandeur. Soyons donc humbles, pour devenir grands : « Car celui qui s’humilie, sera exalté ». (Mat. 23,12) Et ce ne sera pas l’orgueilleux, qui est le plus vil des hommes ; la bulle s’enfle, mais cette enflure n’a rien de solide. Voilà pourquoi nous appelons les orgueilleux, enflés. L’homme modeste, même au sein des grandeurs, n’a point haute opinion de lui-même, parce qu’il connaît son néant ; mais l’homme bas s’enorgueillit, même dans les petites choses. Acquérons donc la grandeur par l’humilité ; considérons la nature des choses humaines, afin d’allumer en nous le désir des choses à venir. Car l’humilité ne peut s’obtenir que par l’amour des choses divines et le mépris des choses présentes. De même que celui qui doit un jour monter sur le trône, dédaigne les honneurs vulgaires qu’on peut lui offrir en échange de la pourpre ; ainsi nous devons prendre en pitié tous les biens présents, si nous aspirons à la royauté céleste. Ne voyez-vous pas que les enfants, quand ils jouent au soldat, quand ils se rangent en bataille, se font précéder de hérauts et de licteurs, et que l’un d’eux, placé au centre, remplit le rôle de général ? Et tout cela ne vous semble-t-il pas bien puéril ? Telles, et plus misérables encore, sont les choses humaines, qui sont aujourd’hui et demain ne seront plus. Élevons-nous donc au-dessus d’elles, et, non contents de ne pas les désirer, rougissons quand on nous les offre. Ainsi, en dépouillant toute affection terrestre, nous acquerrons l’amour divin et nous jouirons de la gloire immortelle. Puissions-nous tous l’obtenir par la grâce et la bonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l’empire, l’honneur, appartiennent au Père en union avec le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.