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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/316

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dit-il, car vous pouvez penser et parler.
« Comme le témoignage du Christ a été confirmé en vous ». Tout en ne paraissant occupé que de louanges et d’actions de grâces, il ne laisse pas que de leur adresser d’assez vives remontrances. Ce n’est point, leur dit-il, par la philosophie du dehors, ni par la science du dehors, mais par la grâce de Dieu, par ses richesses, sa science, et la parole qui vous a été donnée de sa part, que vous avez pu recevoir les enseignements de la vérité et être confirmés dans le témoignage du Seigneur, c’est-à-dire, dans la prédication. Car vous avez eu beaucoup de signes, beaucoup de miracles, une grâce ineffable pour recevoir la prédication. Si donc vous avez été confirmés par les signes et par la grâce, pourquoi chancelez-vous ? Ce langage est tout à la fois celui du reproche et de la prévenance. « En sorte que rien ne vous manque en aucune grâce ». Ici une grave question se présente : À savoir comment des hommes enrichis en toute parole, en sorte que rien ne leur manque en aucune grâce, peuvent être charnels ? Car s’ils étaient tels au commencement, ils le sont beaucoup plus maintenant. Comment donc les appelle-t-il charnels ? « Je n’ai pas pu », leur dit-il, « vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels ». (1Cor. 3,1) Que répondre à cela ? C’est qu’ayant cru dès le commencement, et ayant reçu des grâces de toutes sortes, pour lesquelles ils avaient d’abord un grand zèle, ils sont ensuite relâchés ; ou, si ce n’est pas cela, il faut dire que ces divers passages ne s’adressent pas à tous, mais qu’il y en a pour ceux qui étaient dignes de blâme, et d’autres pour ceux qui étaient dignes de louanges. La preuve qu’ils avaient encore des grâces, est dans ces mots : « L’un a le don de la louange, l’autre celui de la révélation, l’autre celui des langues, l’autre celui de l’interprétation ; que tout soit pour l’édification » (1Cor. 14,26) ; et encore : « Que deux ou trois prophètes parlent ». On peut aussi répondre que l’apôtre a suivi l’usage commun qui consiste à donner le nom du tout à la plus grande partie. De plus, je pense qu’il fait ici allusion à lui-même, aux signes qu’il leur a fait voir. Selon ce qu’il leur dit dans sa seconde épître : « Les signes de l’apôtre se sont produits au milieu de vous en toute patience » ; et encore : « Qu’avez-vous eu de moins que les autres églises ? » (2Cor. 12,12, 13) Ou, comme je le disais, il rappelle ses propres actions, ou il s’adresse à ceux qui étaient encore dignes de louange. Car il y avait encore à Corinthe beaucoup de saints qui s’étaient voués au ministère des saints, et devinrent les premiers de l’Achaïe, comme il l’indique à la fin de sa lettre[1].
Au reste les éloges, quand même ils ne seraient pas entièrement conformes à la vérité, s’emploient cependant avec prudence, pour préparer la voie au discours. Car, dire dès l’abord des choses désagréables, c’est se fermer pour le reste l’oreille des faibles, si en effet les auditeurs sont des égaux, ils s’irriteront ; s’ils sont de beaucoup inférieurs, ils s’attristeront. Pour éviter ces inconvénients, l’apôtre place au début une sorte d’éloges. Au fond ce n’est point leur éloge, mais celui de la grâce de Dieu ; car si leurs péchés ont été remis, s’ils ont été justifiés, c’est l’effet du don d’en haut. C’est pourquoi il insiste sur les preuves de la bonté de Dieu, afin de mieux guérir leur maladie.
« Attendant la révélation de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Pourquoi vous agiter, leur dit-il, pourquoi vous troubler, parce que Jésus-Christ n’est pas là ? Il y est, et son jour est proche. Voyez comme il est sage ! Comment, après les avoir détachés des choses humaines, il les épouvante en leur rappelant le terrible tribunal, et en leur montrant qu’il ne suffit pas de bien commencer, mais qu’il faut aussi bien finir. Car après tant de grâces et tant de vertus, il est besoin de se souvenir de ce jour suprême, et pour arriver heureusement au terme, bien des travaux sont nécessaires.
2. Il emploie le mot de révélation pour montrer que, quoique encore invisible, elle existe pourtant, qu’elle est présente, et qu’elle aura lieu un jour. Il faut donc de la patience ; et c’est pour vous affermir que vous avez reçu des prodiges. « Qui vous conservera fermes et irréprochables jusques à la fin ». Ici il semble les flatter ; en réalité cependant, ce n’est point une flatterie ; car il sait bien les toucher sensiblement, comme quand il leur dit : « Quelques-uns se sont enflés, comme si je ne devais point venir parmi vous ». Et encore, « Que voulez-vous ? Que j’aille à vous

  1. 1Cor. 16,15.