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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/319

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une loi qui défend l’adultère, et tous ne s’y soumettent pas. Mais c’est parce qu’ils espèrent n’être pas connus, et non parce qu’ils n’ont que de faibles raisons de craindre ; car si le législateur et le juge étaient présents au moment où ils vont commettre le mal, la crainte pourrait bien leur en ôter jusqu’au désir. Supposons même un châtiment moins grave, par exemple, la séparation d’une femme aimée et la prison : le libertin saurait bien se résigner sans trop de peine.

Gardons-nous donc de dire que l’homme est bon ou mauvais par nature : Car si cela était, le bon ne pourrait jamais devenir méchant, ni le méchant devenir bon. Et pourtant nous voyons des changements rapides, soit du bien au mal, soit du mal au bien. Et nous ne voyons pas seulement cela dans les Écritures où, par exemple, les publicains deviennent apôtres et les disciples traîtres, où les femmes publiques deviennent chastes, où les larrons se convertissent, où les mages se prosternent en adoration, où les impies passent à des sentiments de piété, et cela tant dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament ; mais chaque jour de tels faits arrivent sous nos yeux. Or si tout cela était naturel, aucun changement n’aurait lieu. Étant passibles par nature, pouvons-nous par aucun effort devenir impassibles ? Ce qui est par nature, ne cessera jamais d’être tel. Jamais personne n’a pu passer du besoin de dormir à la faculté de ne pas dormir, ni de la corruption à l’incorruptibilité, ni s’affranchir du besoin de manger au point de n’avoir plus faim. Aussi ces nécessités ne sont point des crimes, et nous ne nous les reprochons jamais. Jamais personne n’a dit, en manière de blâme : Ô être passible ! ô être sujet à la corruption ! Mais nous reprochons l’adultère, la fornication ou d’autres semblables actions à ceux qui les commettent, et nous les traduisons devant les juges pour être accusés et punis, ou honorés pour des faits contraires.

Quand donc, d’après la conduite que nous tenons les uns envers les autres, d’après les jugements que nous subissons, les lois que nous établissons, les reproches que notre conscience nous adresse même quand personne ne nous accuse, d’après ce fait que la négligence nous rend pires et la crainte meilleurs, et que nous en voyons d’autres se corriger et parvenir au faîte de la sagesse ; quand, dis-je, d’après tout cela, il nous est démontré qu’il dépend de nous de faire le bien, pourquoi nous tromper nous-mêmes par de vaines excuses et de misérables prétextes, qui non seulement ne nous obtiennent pas le pardon, mais nous préparent d’intolérables supplices, tandis que nous devrions avoir sans cesse devant les yeux le jour terrible, pratiquer la vertu et en récompense de légers travaux, recevoir des couronnes immortelles ? Car ces raisonnements ne nous serviront à rien ; ceux de nos frères qui auront mené une conduite opposée, condamneront tous les pécheurs : le miséricordieux, l’homme dur ; le bon, le méchant ; l’humble, l’orgueilleux ; le bienveillant, l’envieux ; le sage, l’ambitieux de vaine gloire ; le fervent, le lâche ; le chaste, le libertin. C’est ainsi que Dieu portera son jugement et formera deux ordres, dont l’un recevra des éloges et l’autre sera livré au supplice. Ah ! qu’aucun de ceux qui sont ici présents ne se trouve parmi ceux qu’attendent le châtiment et l’ignominie ; mais bien au nombre des couronnés, destinés au royaume céleste ! Puissions-nous tous avoir ce bonheur par la, grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, en union avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.