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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/32

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eût irrité des esprits railleurs. Aussi s’étudie-t-il dès les premiers mots à capter leur attention. Apprenez ceci, leur dit-il, et prêtez l’oreille à mes paroles. Ici, au contraire, ces précautions oratoires devenaient inutiles, car les esprits n’étaient point lâches ni distraits. Le miracle les avait rendus attentifs et les avait remplis de crainte et d’étonnement. Ces dispositions exigeaient donc un exorde tout différent, et en repoussant toute gloire personnelle, Pierre acquérait un nouveau droit à leur bienveillance. Et, en effet, l’orateur est assuré de plaire à son auditoire, quand il s’annonce modestement, et repousse tout soupçon d’orgueil et de vanité. Au reste, ce mépris de la gloire que faisaient paraître les deux apôtres, rejaillissait glorieusement sur eux, et montrait que la guérison de ce boiteux était une couvre divine à laquelle les hommes n’avaient aucune part, et 'qu’eux-mêmes devaient admirer, bien loin de s’en attribuer l’honneur.
Voyez-vous donc combien Pierre est pur de toute ambition, et avec quel soin il repousse la gloire qu’on lui décerne ? C’est ainsi qu’avaient agi les anciens justes ; Daniel, qui disait : « Si je parle, ce ne sera point parce que je possède une sagesse toute particulière » ; Joseph qui s’écriait : « L’interprétation des songes ne vient-elle pas de Dieu ? » et David qui répondait à Saül : « Lorsqu’un lion ou un ours venait, j’invoquais le nom du Seigneur et je les déchirais de mes mains ». (Dan. 2,30 ; Gen. 40,8 ; 1R. 17,34) Et de même nos deux apôtres disent : « Pourquoi nous regardez-vous comme si par notre vertu et notre piété nous avions fait marcher ce boiteux ? » Car ce n’est pas ici notre œuvre, et nous n’avons pu par nous-mêmes attirer sur cet homme une si grande grâce.
« Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères ». L’apôtre rappelle souvent le souvenir dés anciens patriarches pour écarter tout soupçon d’une religion nouvelle, et de même que dans son premier discours il avait nommé David, il cite dans celui-ci Abraham et ses descendants. « A glorifié son Fils Jésus ». Toujours la même humilité que dans son exorde ; et puis il insiste sur le crime des Juifs, le flétrit hautement et n’en parle plus en termes couverts, comme il avait fait précédemment. Son but est de presser leur conversion, car plus ouvertement il condamne leur déicide et plus il éveille leur attention. « A glorifié son Fils Jésus, que vous avez livré et renié devant Pilate, qui avait jugé qu’il devait être renvoyé absous ». Vous êtes donc coupables d’un double crime, parce que Pilate voulait le renvoyer absous et que vous vous y êtes opposés.« Vous avez donc renié le saint et le juste, et vous avez demandé qu’on vous accordât la grâce d’un homicide ; et vous avez fait mourir l’auteur de la vie, mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, et nous sommes témoins de sa résurrection ». C’est comme s’il eût dit : vous avez préféré à Jésus un insigne voleur. C’était donc un reproche bien grave ; mais parce qu’il les tenait sous sa main, il les presse vivement. « Vous avez fait mourir l’auteur de la vie ; mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts ». Ici il montre le dogme de la résurrection ; et pour prévenir cette objection, sur quelles preuves se repose-t-il ? il ne cite point les prophètes, mais son propre témoignage, parce que désormais il mérite d’être cru. La première fois qu’il avait parlé de la résurrection de Jésus-Christ, il avait invoqué l’autorité de David. Et ici, en se posant lui-même comme témoin, il s’appuie sur le collège apostolique. « Nous sommes », dit-il, « témoins de sa résurrection, et c’est par la foi en son nom, que sa puissance a affermi cet homme que vous voyez et que vous connaissez ; et c’est la foi qui vient de lui, qui a donné à celui-ci une entière guérison en présence de vous tous ». Avant d’expliquer le miracle, il en montre la certitude par ces mots : « En présence de vous tous ». Mais, parce qu’il les avait sévèrement repris, en leur montrant glorieux et ressuscité, ce Jésus qu’ils avaient fait mourir, il se hâte d’adoucir sa parole, et leur ouvre la voie du repentir.
« Et maintenant, mes frères, je sais que vous l’avez fait par ignorance, ainsi que vos chefs ». Il leur présente donc, une double excuse : d’abord leur « propre ignorance », et puis « l’exemple de leurs chefs ». C’est ainsi que Joseph disait à ses frères : « Dieu m’a envoyé devant vous ». (Gen. 45,5) Bien plus, ce qu’il n’avait fait qu’indiquer par ces mots « Il a été livré par le conseil et la prescience de Dieu » (Act. 2,23), il le développe en disant que « le Seigneur vient d’accomplir « ainsi ce qu’il avait prédit par la bouche de