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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/321

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Et comme un accusé se montre insolent, tant qu’il n’a pas de témoins contre lui, voyez comment il en produit, pour les mettre hors d’état de nier. « J’ai été averti sur votre compte, mes frères, par ceux de la maison de Chloé ». II n’avait d’abord pas dit cela, mais il avait en premier lieu établi l’accusation, ce qui prouve qu’il avait cru aux informations ; sans cela il n’eût point accusé ; car Paul n’était pas homme à croire sans raison. Il n’avait donc d’abord pas parlé de renseignements, pour ne pas paraître accuser à l’instigation de ceux qui les lui avaient donnés ; mais il ne les passe pas sous silence, pour ne pas paraître agir de lui seul. Il leur donne encore le nom de frères : bien que leur péché fût évident, cela n’empêchait pas de les appeler ainsi. Et voyez sa prudence : il ne désigne point une personne en particulier, mais toute une maison, pour ne point les irriter contre l’auteur des révélations ; par là il a mis celui-ci à couvert et a pu librement formuler son accusation. Il ne songe pas seulement aux intérêts des uns, mais aussi à ceux des autres. Voilà pourquoi il ne dit pas : J’ai appris de certaines personnes ; mais il indique une maison tout entière, pour ne pas avoir l’air d’inventer. Que m’a-t-on appris ? « Qu’il y a des contestations parmi vous ». Quand il leur adresse directement ses reproches, il leur dit. « Qu’il n’y ait pas de schismes parmi vous » ; mais quand il leur parle, d’après le témoignage des autres, il adoucit ses termes : « On m’a appris qu’il y a des contestations parmi vous », afin de ménager ceux de qui il tient ses informations.
Il précise ensuite le genre de contestation : « Chacun de vous dit : Pour moi je suis à Paul, et moi à Apollon, et moi à Céphas ». Ce ne sont pas, dit-il, des disputes pour des intérêts privés, mais d’autres beaucoup plus fâcheuses. « Chacun de vous dit ». Ce n’est pas une partie de l’Église, mais l’Église entière que le fléau ravage. Pourtant on ne parlait ni de lui, ni d’Apollon, ni de Céphas ; mais il fait voir que si l’on ne peut s’attacher à ceux-là, encore bien moins le peut-on à d’autres. La preuve qu’on ne parlait pas d’eux, est dans ce qu’il dit plus bas : « J’ai proposé ces choses en ma personne et en celle d’Apollon, afin que vous appreniez, à notre exemple, à n’avoir pas d’autres sentiments que ceux que je vous ai marqués ». (1Cor. 4,6) Car si l’on ne peut se dire partisan de Paul, d’Apollon et de Céphas, encore bien moins de tout autre. Si l’on ne doit point s’enrôler sous le drapeau d’un docteur, du premier des apôtres, de l’instituteur d’un si grand peuple, à plus forte raison sous le drapeau de ceux qui ne sont rien. Désirant ardemment les guérir de leur maladie, il met ces noms en avant ; mais pour moins blesser il tait les noms de ceux qui déchiraient l’Église, et les abrite en quelque sorte sous ceux des apôtres : « Moi je suis à Paul, moi à Apollon, moi à Céphas ».
2. Ce n’est point parce qu’il se préfère à Pierre qu’il le nomme le dernier ; mais, au contraire, parce qu’il se met fort au-dessous de Pierre. Il parle par gradation, pour ne pas avoir l’air d’agir par envie, ni de vouloir priver ceux-ci de l’honneur qui leur est dû. Voilà pourquoi il se nomme le premier. Car celui qui se réprouve le premier, n’agit point par le désir de l’honneur, mais par un profond mépris pour la vaine gloire.
Il reçoit d’abord tout le premier choc, ensuite il nomme Apollon et Céphas. Il n’agit donc point par orgueil ; mais, désirant corriger une chose défectueuse, il met d’abord en avant sa propre personne. Évidemment c’était un tort de prendre le parti d’un tel ou d’un tel ; et il a raison de le leur reprocher, en disant : Vous ne faites pas bien de dire : « Moi je suis à Paul, moi à Apollon, moi à Céphas ». Mais pourquoi ajoute-t-il : « Et moi au Christ ? » Si c’était une faute de s’attacher à des hommes, ce n’en était certainement pas une de tenir pour Jésus-Christ. Aussi ne leur reproche-t-il point de le faire, mais de ne pas le faire tous. Je pense aussi qu’il a ajouté ce nom de lui-même, afin de donner plus de poids à l’accusation et de faire entendre que le Christ est resté le lot de quelques-uns, mais non de tous. Que telle ait été sa pensée, la suite le fait voir. « Le Christ est-il divisé ? » C’est-à-dire, vous avez scindé le Christ et divisé son corps. Voyez-vous le courroux, voyez-vous le reproche, voyez-vous le langage de l’indignation ? Il ne prouve pas, il interroge, supposant cette absurdité confessée.
Quelques-uns lui prêtent une autre intention dans ces paroles : « Le Christ est-il divisé ? » Cela voudrait dire : Le Christ a disséminé et partagé son Église entre les hommes, il en a gardé une portion pour lui et leur a distribué le reste. Absurdité qu’il détruit ensuite par