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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/327

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pas les remèdes du salut. Ô homme, que dis-tu ? Pour toi le Christ a pris la forme d’un esclave, a été crucifié et est ressuscité ; ce ressuscité, il faut donc l’adorer et adorer sa bonté, puisque ce qu’un père, un ami, un fils n’a pas fait pour toi, le Maître de l’univers l’a fait, bien que tu l’eusses offensé et fusses devenu son ennemi ; et quand il mérite ton admiration pour de si grandes choses, tu appelles folie le chef-d’œuvre de sa sagesse ? Mais il n’y a rien d’étonnant là-dedans ; car le propre de ceux qui se perdent est de ne pas connaître ce qui procure le salut.
Ne vous troublez donc pas : il n’y a rien d’étrange, rien de surprenant à ce que des insensés tournent de grandes choses en dérision. Or la sagesse humaine ne saurait changer une telle disposition ; en essayant de le faire, vous atteindriez un but opposé : car tout ce qui dépasse la raison n’a besoin que de la foi. Si nous tâchons de démontrer par le raisonnement et sans recourir à la foi, comment un Dieu s’est fait homme et est entré dans le sein d’une vierge, nous ne ferons que provoquer davantage leurs railleries. Ceux qui usent ici du raisonnement, sont précisément ceux qui se perdent. Et pourquoi parler de Dieu ? Nous soulèverions d’immenses éclats de rire, si nous, suivions cette méthode en ce qui concerne les créatures. Supposons, par exemple, un homme qui veut tout apprendre par le raisonnement et vous prie de lui démontrer comment nous voyons la lumière : essayez de le faire : vous n’en viendrez pas à bout ; car si vous dites qu’il suffit d’ouvrir l’œil pour voir, vous exprimez le fait, et non la raison du fait. Pourquoi, vous dira-t-il, ne voyons-nous pas par les oreilles et n’entendons-nous pas par les yeux ? Pourquoi n’entendons-nous pas par les narines et ne flairons-nous pas par les oreilles ? Si nous ne pouvons le tirer d’embarras et répondre à ses questions, et qu’il se mette à rire, ne rirons-nous pas encore plus fort que lui ? Si en effet deux organes ont leur principe dans le même cerveau, et sont voisins l’un de l’autre, pourquoi ne peuvent-ils pas remplir les mêmes fonctions ? Nous ne pouvons expliquer la cause ni le mode de ces opérations mystérieuses et diverses, et nous serions ridicules de l’essayer.
Taisons-nous donc, et rendons hommage à la puissance et à la sagesse infinie de Dieu. De même, vouloir expliquer par la sagesse humaine les choses de Dieu, c’est provoquer des éclats de rire, non à raison de la faiblesse du sujet, mais à cause de la folie des hommes ; car aucun langage ne peut expliquer les grandes choses. Examinez bien ; quand je dis : Il a été crucifié ; le Grec demande : Comment cela s’accorde-t-il avec la raison ? Il ne s’est pas aidé lui-même quand il subissait l’épreuve et le supplice de la croix : Comment donc est-il ensuite ressuscité et a-t-il sauvé les autres ? S’il le pouvait, il aurait dû le faire avant de mourir, ainsi que le disaient les Juifs : Comment celui qui ne s’est pas sauvé, a-t-il pu sauver les autres ? C’est là, dira-t-on, une chose que la raison ne saurait admettre. Et c’est vrai : la croix, ô homme, est une chose au-dessus de la raison, et d’une vertu ineffable. Car subir de grands maux, leur paraître supérieur et en sortir triomphant, c’est le propre d’une puissance infinie. Comme il eût été moins étonnant que les trois jeunes hébreux ne fussent pas jetés dans la fournaise que d’y être jetés et de fouler la flamme aux pieds : comme il eût été beaucoup moins merveilleux pour Jonas de n’être pas englouti par la baleine que d’en être englouti sans en souffrir ; ainsi il est bien plus admirable dans le Christ d’avoir vaincu la mort en mourant que de ne l’avoir pas subie. Ne dites donc point : Pourquoi ne s’est-il pas sauvé lui-même sur la croix ? Car son intention était de lutter avec la mort. Il n’est point descendu de la croix, non parce qu’il ne le pouvait pas, mais parce qu’il ne le voulait pas. Comment les clous de la croix auraient-ils retenu Celui que la puissance de la mort n’a pu enchaîner ?
2. Toutes ces choses nous sont connues, mais les infidèles les ignorent. Voilà pourquoi Paul dit que la parole de la croix est une folie pour ceux qui se perdent, mais que pour ceux qui se sauvent, c’est-à-dire pour nous, elle est la vertu de Dieu. « Car il est écrit : Je perdrai la sagesse des sages ; je rejetterai la science des savants ». Jusqu’ici il n’a rien dit de désagréable ; il a d’abord invoqué le témoignage de l’Écriture ; puis s’enhardissant, il emploie des termes plus violents et dit : « Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde ? Que sont devenus les sages ? Que sont devenus les docteurs de la loi ? Que sont devenus les esprits curieux de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de