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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/328

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folie la sagesse de ce monde ? Car Dieu voyant que le monde, aveuglé par sa propre sagesse, ne l’avait point connu dans les œuvres de la sagesse divine, a jugé à propos de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiraient en lui ». Après avoir dit qu’il est écrit : « Je perdrai la sagesse des sages », il en donne une preuve de fait en ajoutant : « Que sont devenus les sages ? que sont devenus les docteurs de la loi ? » frappant ainsi du même coup les Grecs et les Juifs. Car, quel philosophe ; quel habile logicien, quel homme instruit dans le judaïsme a procuré le salut et enseigné la vérité ? Pas un d’eux : les pêcheurs ont tout fait. Après avoir tiré sa conclusion, abattu leur enflure, et dit : « Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde ? » il donne la raison de tout cela. Parce que, dit-il, aveuglé par sa propre sagesse, le monde n’a pas connu Dieu dans la sagesse divine, la croix a paru. Qu’est-ce que cela : « Dans la sagesse divine ? » C’est-à-dire, dans la sagesse qui s’est manifestée dans les œuvres par lesquelles il a voulu se faire connaître. Car il a produit ces œuvres et d’autres semblables afin que leur aspect fit admirer le Créateur ; le ciel est grand, la terre est immense ; admirez donc celui qui les a faits. Et ce ciel si grand, non seulement il l’a créé, mais il l’a créé sans peine ; cette vaste terre, il l’a produite sans effort. Voilà pourquoi il est dit de l’un : « Les cieux sont les ouvrages de vos mains » (Ps. 101) ; et de l’autre : « Il a fait la terre comme rien ». Mais comme le monde n’a pas voulu connaître Dieu au moyen de cette sagesse, Dieu l’a convaincu par la folie apparente de la croix, non à l’aide du raisonnement, mais de la foi. Du reste, là où est la sagesse de Dieu, il n’y a plus besoin de celle de l’homme. Dire que le Créateur de ce monde si grand et si vaste doit posséder une puissance ineffable et infinie, c’était là un raisonnement de la sagesse humaine, un moyen de comprendre l’auteur par son ouvrage ; mais maintenant on n’a plus besoin que de foi, et non de raisonnements. Car croire à un homme crucifié et enseveli, et tenir pour certain que ce même homme est ressuscité et assis au ciel, c’est l’effet de la foi et non du raisonnement. Ce n’est point avec la sagesse, mais avec la foi, que les apôtres ont paru, et ils sont devenus plus sublimes et plus sages que les sages, d’autant que la foi qui accepte les choses de Dieu l’emporte sur l’art de raisonner ; car ceci surpasse l’esprit humain. Comment Dieu a-t-il perdu la sagesse ? En se révélant à nous par Paul et ses semblables, il nous a fait voir qu’elle était inutile. En effet, pour recevoir la prédication évangélique, le sage ne tire aucun avantage de sa sagesse, ni l’ignorant ne souffre de son ignorance. Bien plus, chose prodigieuse à dire ! l’ignorance est ici une meilleure disposition que la sagesse. Oui, le berger, le paysan, mettant de côté les raisonnements et s’abandonnant à Dieu, recevront plutôt la prédication évangélique. Voilà comment Dieu a perdu la sagesse. Après s’être d’abord détruite elle-même, elle est devenue ensuite inutile. Car quand elle devait faire son œuvre propre et voir le Maître par ses œuvres, elle ne l’a pas voulu ; maintenant quand elle voudrait se produire, elle ne le pourrait plus ; car l’état des choses n’est plus le même, et l’autre voie pour parvenir à la connaissance de Dieu est bien préférable. C’est pourquoi il faut une foi simple, que nous devons chercher à tout prix, et préférer à la sagesse du dehors, puisque l’apôtre dit : « Dieu a convaincu de folie la sagesse ». Qu’est-ce que cela veut dire : « Il a convaincu de folie ? » Il a prouvé qu’elle est une folie quand il s’agit de parvenir à la foi. Et comme on avait d’elle une haute estime, il s’est hâté de la confondre.
En effet, qu’est-ce que cette sagesse, qui ne peut trouver le premier des biens ? Il l’a fait paraître folle, parce qu’elle s’était d’abord démontrée telle elle-même. Si, quand il était possible de trouver la vérité à l’aide du raisonnement, elle n’a pu le faire, comment en sera-t-elle capable, maintenant qu’il s’agit de choses plus importantes, et qu’on n’a plus besoin de talent, mais de foi ? Dieu l’a donc convaincue de folie ; et il a jugé à propos de sauver le monde par la folie, non réelle, mais apparente de la croix. Et c’est là ce qu’il y a de plus grand : que Dieu ait vaincu cette sagesse, non par une sagesse plus excellente, mais par une sagesse qui a une apparence de folie. Il a abattu Platon, non par un autre philosophe plus sage, mais par un pêcheur ignorant. Ainsi la défaite est devenue plus humiliante et le triomphe plus éclatant. Puis, démontrant la puissance de la croix, l’apôtre dit : « Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse ; pour nous, nous prêchons le Christ crucifié, qui est un scandale