Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joug ? Et tout cela n’a pas été seulement prédit par nous, mais dès les anciens temps, par les prophètes. Et vous ne détruirez pas davantage ces antiques prophéties ; car les livres qui les contiennent sont aux mains de nos ennemis, aux mains mêmes des Grecs, qui ont eu soin de les faire traduire dans leur langue. Ces prophètes ont beaucoup prédit sur ces matières, en annonçant que c’était un Dieu qui devait venir.
4. Pourquoi donc tous ne croient-ils pas aujourd’hui ? Parce que les choses se sont détériorées, et par notre faute : car c’est de nous qu’il s’agit maintenant. Alors on ne croyait pas seulement à cause des signes ; mais l’exemple des fidèles en attirait beaucoup. « Que votre lumière », a dit Jésus-Christ, « brille aux yeux des hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ». (Mt. 5,16) Alors « ils n’avaient qu’un cœur et qu’une âme, et nul ne considérait ce qu’il possédait comme lui appartenant en propre ; mais tout était commun entre eux et on distribuait à chacun selon ses besoins » (Act. 4,32) ; et ils menaient une vie angélique. S’il en était encore ainsi, nous convertirions le monde entier sans signes. En attendant, que ceux qui veulent être sauvés, fassent attention aux Écritures ; ils y trouveront toutes ces belles choses et de bien plus grandes encore. Car les maîtres eux-mêmes surpassaient de beaucoup les disciples, en vivant dans la faim, dans la soif et dans la nudité. Nous voulons vivre au milieu des délices, de l’oisiveté et de la licence ; il n’en était pas ainsi d’eux, qui criaient : « Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim et la soif, la nudité et les mauvais traitements, et nous n’avons point de demeure fixe ». (1Cor. 4,11) L’un courait de Jérusalem en Illyrie ; celui-ci chez les Indiens, celui-là chez les Maures ; d’autres dans d’autres parties de l’univers ; nous, nous n’osons pas sortir de notre patrie, nous recherchons les délices, les demeures splendides, l’abondance de toutes choses. Qui de nous a enduré la faim pour la parole de Dieu ? qui a vécu dans la solitude ? qui a entrepris de longs voyages ? quel maître, vivant du travail de ses mains, est venu en aide aux autres ? qui a souffert une mort de tous les jours ? Aussi ceux qui vivent au milieu de nous, en deviennent plus lâches. En effet, si l’on voyait des soldats et des généraux, luttant avec la faim, la soif, la mort et tous les maux ; supportant le froid, les périls et tout autre inconvénient avec le courage des lions, combattre néanmoins et remporter la victoire ; puis ces mêmes soldats, changeant de conduite, devenir plus mous, s’attacher aux richesses ; s’adonner au commerce, fréquenter les cabarets et être battus par les ennemis, il serait de la dernière folie d’en demander la raison.
Appliquons ce raisonnement à nous et à nos ancêtres, car nous sommes parvenus à la plus extrême faiblesse, et en quelque sorte cloués à la vie présente. Et s’il se trouve quelqu’un parmi nous qui ait conservé des restes de l’ancienne sagesse, il quitte les villes, les places publiques, la société des hommes, se dispense du soin de régler les autres et s’en va dans les montagnes ; et si on lui demande pourquoi il se retire ainsi, il en donne une raison qui n’est pas excusable. C’est, dit-il, pour ne pas périr que je m’en vais, c’est de peur de devenir moins vertueux. Eh ! ne vaudrait-il pas bien mieux être moins vertueux et sauver les autres, que de demeurer sur les hauteurs et de laisser périr ses frères ? Si les uns négligent la vertu, et que ceux qui la pratiquent fuient loin du champ de bataille, comment vaincrons-nous les ennemis ? À supposer qu’il y eût encore des signes aujourd’hui, qui s’en laisserait convaincre ? Quel étranger s’attacherait à nous au milieu de ce débordement de malice ? Car, une vie irréprochable est aux yeux de la foule le plus puissant des arguments. Des signes mêmes seraient suspects de la part d’hommes impudents et pervers ; mais une vie pure fermera la bouche au démon même. Je parle ici aux supérieurs comme aux inférieurs, et surtout à moi-même, afin que nous présentions le modèle d’une vie admirable, et qu’après nous être mis nous-mêmes en règle, nous méprisions toutes les choses présentes. Méprisons les richesses, mais non l’enfer ; négligeons la gloire, mais non le salut ; supportons ici-bas la peine et le travail, pour ne pas encourir les supplices de l’autre vie. Combattons ainsi les gentils, réduisons-les ainsi en captivité, mais à une captivité bien préférable à la liberté. Voilà ce que nous vous répétons souvent, continuellement, mais qui ne se pratique guère. Du reste, qu’on le pratique ou non, c’est un devoir de vous le rappeler sans cesse. Car s’il est des hommes qui vous trompent par de belles paroles, il est bien plus juste que ceux