Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

folie tout en passant pour sagesse. C’est pourquoi, après l’avoir confondue par les faits mêmes, l’apôtre l’appelle une folie ; et après avoir appelé, d’après eux, folie la sagesse de Dieu, il démontre qu’elle est la sagesse (après les preuves il était plus facile de faire rougir les contradicteurs) ; et il dit : « Cependant nous prêchons la sagesse parmi les parfaits ». Si, en effet, moi qui passe pour un insensé, pour un homme prêchant des folies j’ai triomphé des sages, ce n’est pas au moyen de la folie, mais bien par une sagesse plus sage et d’autant supérieure à l’autre qu’elle la fait passer pour folie. Aussi, après avoir d’abord appelé cette sagesse folie, pour se conformer à leur langage, avoir démontré son triomphe par les faits, et prouvé qu’eux-mêmes étaient atteints d’une folie extrême, il en vient enfin à lui donner son véritable nom, en disant : « Nous prêchons la sagesse parmi les parfaits ». Or il appelle sagesse la prédication et le mode de salut par la croix ; et il appelle parfaits ceux qui ont cru. En effet, ceux-là sont parfaits qui, voyant l’extrême faiblesse des choses humaines, et pleins de mépris pour elles, sont convaincus qu’elles leur sont inutiles, dès l’instant qu’ils sont devenus croyants.
« Non la sagesse de ce siècle ». À quoi sert, en effet, la sagesse humaine qui s’arrête à ce monde et ne va pas plus loin, et qui, même ici en ce monde, est inutile à ceux qui la possèdent ? Et par princes du siècle il n’entend pas ici, comme quelques-uns le pensent, certains démons ; mais bien ceux qui occupent les dignités et les magistratures ; ceux qui y attachent un grand prix, les philosophes, les rhéteurs, les écrivains : car ils dominaient alors et exerçaient souvent un grand empire sur la foule. Et il les appelle princes de ce siècle, parce que leur pouvoir ne s’étend pas au-delà du siècle présent ; c’est pourquoi il ajoute : « Qui périssent » ; réfutant ainsi cette sagesse, et par elle-même et par ceux qui en usent. Car après avoir montré qu’elle est menteuse, qu’elle est insensée, qu’elle ne peut rien découvrir, qu’elle est faible, il démontre encore qu’elle est d’une courte durée. « Mais nous prêchons la sagesse de Dieu dans le mystère ». Quel mystère ? Le Christ a dit : « Ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits ». (Mt. 10,27) Comment donc l’apôtre appelle-t-il cette sagesse mystère ? Parce que ni ange, ni archange, ni aucune autre puissance créée ne la connaissait avant qu’elle vînt au monde. Aussi dit-il : « Afin que les principautés et les puissances qui sont dans les cieux connussent par l’Église la sagesse multiforme de Dieu ». (Eph. 3,10) Par honneur pour nous, Dieu a voulu qu’elles apprissent ces mystères avec nous. Car nous-mêmes nous donnons à nos amis, comme une grande preuve d’affection, de leur révéler nos secrets avant tout autre.
Écoutez bien cela, vous tous qui vous pavanez de la prédication, qui jetez à tout venant les perles et l’enseignement, et livrez les choses saintes aux chiens, aux pourceaux et aux raisonnements superflus. Car le mystère n’a pas besoin de preuves ; on l’annonce simplement tel qu’il est ; et si vous y ajoutez quelque chose de vous-même, ce n’est plus un mystère entièrement divin. Du reste, on l’appelle mystère parce que nous ne croyons pas ce que nous voyons, mais autre chose que ce que nous voyons. Telle est, en effet, la nature de nos mystères. À ce point de vue, autres sont mes dispositions, autres celles de l’infidèle. J’apprends que le Christ a été crucifié ; aussitôt j’admire sa bonté pour l’homme ; l’infidèle l’apprend et y voit une preuve de faiblesse. J’apprends qu’il est devenu esclave, et j’admire la Providence ; l’infidèle l’apprend aussi et y voit un signe de déshonneur. J’apprends qu’il est mort, et j’admire cette puissance qui n’est point dominée par la mort, niais qui en triomphe ; l’infidèle l’apprend comme moi et y soupçonne de l’impuissance. En entendant parler de la résurrection, il la qualifie de fable ; et moi acceptant les preuves de fait, j’adore la divine providence. Quand on lui parle du baptême, il n’y voit que de l’eau ; et moi je n’y vois pas seulement ce qui frappe mes yeux, mais la purification de l’âme par l’Esprit. L’infidèle croit que mon corps seul a été lavé ; mais moi je crois que mon âme aussi est devenue pure et sainte, et je pense au sépulcre, à la résurrection, à la sanctification, à la justice, à la rédemption, à l’adoption, à l’héritage, au royaume des cieux, au don du Saint-Esprit. Ce n’est point par les yeux du corps que je juge, mais par ceux de l’âme. J’entends parler du corps du Christ ; mais dans un tout autre sens que l’infidèle.
2. Et comme les enfants qui voient des livres ne connaissent point la valeur des lettres, ne savent même pas ce qu’ils voient (ce qui peut aussi s’appliquer à l’homme qui