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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/348

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évangiles ; pour ne pas nous répéter, nous y renvoyons nos auditeurs.
3. Quoi ! dira-t-on, le péché qu’ils ont commis par le crucifiement leur est-il pardonné ? Le Christ lui-même a dit : « Pardonnez-leur ». Oui, il leur a été pardonné, s’ils se sont repentis. Paul, qui a frappé Étienne par des milliers de mains, qui a persécuté l’Église, est cependant devenu un chef de l’Église. De même le péché a été remis à ceux d’entre eux qui ont voulu faire pénitence. C’est ce que Paul criait, en disant : « Ont-ils trébuché de telle sorte qu’ils soient tombés ? « Point du tout ». (Rom. 11,11) Et encore : « Est-ce que Dieu a rejeté son peuple, le peuple qu’il a connu dans sa prescience ? Nullement ». (Rom. 1) Et pour prouver que la voie du repentir ne leur a point été fermée, il cite son propre exemple : « Car, moi aussi, je suis israélite ». Mais ces mots : « Ils ne l’ont pas connue », me semblent ne devoir point s’entendre du Christ même, mais des suites de l’événement ; comme qui dirait : Ils n’ont pas su ce que signifiaient cette mort et cette croix. Et – au fait, le Christ ne dit pas alors : Ils ne me connaissent, pas, mais ; « Ils ne savent ce qu’ils font » (Lc. 23,34) ; c’est-à-dire, ils ne connaissent pas l’œuvre de la Providence, ni le mystère. En effet, ils ne savaient pas, de quel éclat la croix devait briller, ni que le salut du monde s’opérait, ni que Dieu se réconciliait avec les hommes, ni que leur ville serait détruite et eux-mêmes réduits aux dernières extrémités. Or Paul appelle sagesse, le Christ, la croix et la prédication. C’est à propos qu’il donna au Christ le nom de Seigneur de la gloire. Car pendant que la croix semble ignominieuse, il démontre qu’elle est une grande, gloire. Mais il fallait une grande sagesse ; non seulement pour connaître Dieu, mais pour comprendre ici le but de la Providence ; et la sagesse profane était un obstacle à l’un comme à l’autre. « Mais, comme il est écrit, l’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, le cœur de l’homme n’a point compris ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment ».
Mais où cela est-il écrit[1] ? On emploie cette manière de parler : « Cela est écrit même quand les choses ne sont pas exprimées en paroles, mais seulement par les faits, comme il arrive dans les histoires ; ou quand on a le sens, sinon les termes exprès, comme en ce cas-ci. Car ces mots : « Ceux à qui on ne l’avait point annoncé, verront ; et ceux qui ne l’ont point entendu, comprendront » (Rom. 15,21), signifient la même chose que : « L’œil n’a point vu et l’oreille n’a point entendu ». Ou voilà ce que veut dire l’apôtre, ou les livres qui contenaient ce texte ont probablement disparu. Car beaucoup de livres ont péri, un petit nombre ont été sauvés, déjà même du temps de la première captivité. On le voit clairement dans les Paralipomènes ; car l’apôtre dit : « Depuis Samuel et les prophètes qui ont suivi, tous en ont parlé ». (Act. 3,24) Cela n’est pas absolument exact ; et cependant il est vraisemblable que Paul, instruit de la loi et inspiré par l’Esprit, connaissait tout avec exactitude. Mais que parlé-je de la captivité ? Déjà avant cette époque, les Juifs étant tombés dans une extrême impiété, beaucoup de livres avaient disparu, ainsi qu’on le voit clairement par la fin du quatrième livre des Rois car on eut peine à trouver un, exemplaire du Deutéronome, enfoui dans du fumier. D’ailleurs il y a souvent des prophéties doubles, facilement aperçues, des plus sages, et qui donnent l’intelligence de bien des choses cachées.
Quoi donc ! l’œil n’a pas vu ce que Dieu a préparé ? Non. Quel mortel a jamais pénétré les desseins de la Providence pour l’avenir ? Et l’oreille n’a pas entendu ? Et le cœur n’a pas compris ? Comment cela se peut-il ? Si les prophètes ont parlé, direz-vous, comment l’oreille n’a-t-elle pas entendu ? Comment le cœur n’a-t-il pas compris ? Eh bien ! il n’a pas compris : car l’apôtre ne parle pas seulement des prophètes, mais de l’humanité en général. Quoi ! les prophètes n’ont pas entendu ? Ils ont entendu, mais avec l’oreille du prophète et non-avec celle de l’homme : C’est comme prophètes, et non comme hommes, qu’ils ont entendu. Aussi est-il dit : « Il m’a ajouté une oreille pour entendre » (Is. 50,4) ; ce que le prophète entend d’une addition faite par l’Esprit. D’où il résulte clairement qu’avant d’entendre, son cœur d’homme n’avait pas compris. Car, après le don de l’Esprit, ce n’est pas un cœur d’homme, mais un cœur spirituel qu’ont les prophètes, comme l’exprime l’apôtre lui-même : « Nous avons l’esprit du

  1. Dans Is. 64, 1 ss