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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/35

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l’auteur de la vie est celui qui possède, la vie par lui-même : « Que Dieu a ressuscité », ajoute l’apôtre, « et c’est par la foi en son nom », poursuit-il, « que sa puissance, a affermi cet homme que vous voyez, et que vous connaissez ; et c’est cette foi qui vient par lui, qui a donné à cet homme une entière guérison ». Mais puisque la foi que ce boiteux a eue en Jésus-Christ a opéré son entière guérison, pourquoi Pierre dit-il « en son nom », et non point par son nom ? C’est que les apôtres n’osaient pas encore prêcher la foi en Jésus-Christ ; et néanmoins, pour ôter tout ce que ce mot « par son nom », aurait eu de peu élevé, il ajoute immédiatement : « Que la puissance de ce nom a affermi cet homme, et que la foi qui vient par lui, a donné à cet homme une entière guérison ».
Observez donc avec quelle condescendance l’apôtre ménage ses paroles. Et en effet celui-là s’est ressuscité lui-même, dont le nom seul a redressé ce boiteux qui était aussi impuissant à marcher que s’il eût été mort. Remarquez aussi comme toujours il s’en rapporte à leur propre témoignage. Il avait dit précédemment : « Vous le savez vous-mêmes » ; et : « au milieu de vous ». Ici il dit également : « Que vous voyez et que vous connaissez et en présence de vous tous ». Il est vrai qu’ils ignoraient que ce boiteux avait été guéri au nom de Jésus, mais ils savaient qu’il était boiteux. Et les deux apôtres publiaient que cette guérison n’était pas leur œuvre, mais celle de la puissance de Jésus-Christ. Si ce miracle n’avait été bien réel, et s’ils n’avaient eux-mêmes cru fermement à la résurrection du Sauveur, jamais ils n’eussent cédé à un mort l’honneur de cette guérison, et ils l’eussent tournée à leur propre avantage, d’autant plus que tous les regards se fixaient sur eux.
Mais parce que Pierre voyait tous les esprits troublés et agités, il s’empresse de les rassurer en leur donnant le nom de frères. « Mes frères », leur dit-il dans son premier discours, sans parler de lui-même ; il les avait exclusivement entretenus de Jésus-Christ. « Que toute la maison d’Israël sache donc certainement ». Ici au contraire il ajoute quelques avis. Précédemment il avait attendu l’explosion de leur étonnement et de leurs railleries, et maintenant il parle le premier, parce qu’il connaît leurs œuvres et qu’il sait que les esprits sont plus traitables. Toutefois on ne peut conclure des premières paroles de l’apôtre que les Juifs avaient agi par ignorance. Et en effet, qui oserait sous ce prétexte les excuser d’avoir demandé la grâce de l’homicide Barabbas, et d’avoir rejeté Jésus que Pilate jugeait digne d’être renvoyé absous, parce qu’ils voulaient le faire mourir ? Cependant il leur ouvre comme une voie au repentir et à l’excuse, et leur suggère même un moyen assuré de défense, en disant : En faisant mourir Jésus, vous saviez bien qu’il était innocent, mais peut-être ignoriez-vous qu’il fût le principe de la vie. C’est ainsi qu’il excuse ses auditeurs du crime de déicide, et même ceux qui en furent lés auteurs. Autrement il eût augmenté leur obstination, s’il se fût répandu en reproches amers. Car reprenez trop sévèrement l’homme qui a commis une faute grave, et il l’aggravera en cherchant à s’excuser.
Remarquez aussi que l’apôtre ne leur dit plus : Vous l’avez tué, vous l’avez crucifié ; mais seulement : « vous Pavez fait mourir », amenant ainsi ses auditeurs à un sincère repentir. Si les premiers ont agi par ignorance, à plus forte raison les seconds ; et si Dieu leur pardonne, pourrait-il ne point pardonner aux autres ? Admirez encore la réserve de l’apôtre. Il a dit précédemment : « Toutes ces choses sont arrivées selon le conseil et la prescience de Dieu » ; et ici : « Le Seigneur vient d’accomplir ce qu’il avait fait prédire de Jésus-Christ ». Mais il ne cite aucun fait en témoignage de sa parole, parce que dans toute cause criminelle ce genre de preuve présage le châtiment. « Je donnerai », dit le Seigneur, « les impies pour le prix de sa sépulture, et les riches pour la récompense de sa mort ». (Is. 53,9) Et encore : « Le Seigneur a accompli ce qu’il avait fait prédire par la bouche de tous les prophètes, que le Christ devait souffrir ». L’apôtre leur révélait ainsi un grand mystère, puisque ce n’était pas un seul prophète, mais tous les prophètes, qui l’avaient annoncé ; et en même temps il leur rappelait que, quoiqu’ils eussent agi par ignorance, rien n’était arrivé que selon la volonté du Seigneur.
Nous voyons donc combien est admirable cette sagesse divine qui fait concourir à ses fins même la malice des pécheurs : « Il a accompli ». Pierre emploie ce terme pour marquer que rien ne manquait aux souffrances