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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/350

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Il faut donc d’abord la rejeter. Quoi ! direz-vous, la sagesse profane est-elle réprouvée Elle est pourtant l’œuvre de Dieu. Comment le prouvez-vous ? Ce n’est pas Dieu, mais vous, qui en êtes L’inventeur ; car Dieu l’appelle recherche stérile et éloquence inutile. Et si par ce mot de sagesse on entend la prudence humaine, vous êtes encore en tort : puisque vous la déshonorez eu en abusant et en exigeant d’elle ce qu’elle ne peut donner, contre la volonté et au détriment de la gloire de Dieu. Et parce que vous vous en glorifiez et faites la guerre à Dieu, Paul la convainc de faiblesse. La vigueur du corps est une bonne chose ; mais parce due Caïn n’en a point fait l’usage convenable, Dieu l’a brisée en lui, et l’a condamné à trembler. Le vin est une bonne chose ; mais parce que les Juifs en avaient abusé, Dieu l’interdit absolument aux prêtres.
Puis donc que vous avez fait tourner la sagesse au mépris de Dieu, et que vous avez exigé d’elle plus qu’elle ne pouvait donner, en vous enlevant toute espérance humaine, Paul vous en montre la faiblesse. Car celui-là est homme animal qui livre tout aux froids raisonnements, et croit n’avoir aucun besoin du secours d’en haut ; ce qui est certainement une folie. Et Dieu a donné cette sagesse, pour qu’elle apprenne de lui et reçoive ses leçons, et non pour qu’elle s’imagine pouvoir se suffire à elle-même. Les yeux sont beaux et utiles ; mais s’ils veulent voir sans le secours de la lumière, leur beauté et leur force propre leur sont inutiles et même nuisibles. De même l’âme, si elle veut voir sans le secours de l’Esprit, devient un obstacle pour elle-même. Comment donc, dira-t-on, voyait-elle tout primitivement par elle-même ? Par elle-même, jamais ; mais par le livre de la création ouvert devant elle. Mais dès que, abandonnant la voie où Dieu a ordonné aux hommes de marcher, pour connaître le Créateur à travers la beauté des choses visibles, ils ont remis au raisonnement le sceptre de la science, ils sont devenus faibles ; ils se sont noyés dans une mer d’impiété, en s’attirant des maux sans nombre, et disant que rien n’est sorti du néant, mais bien d’une matière incréée : doctrine qui a enfanté une multitude d’hérésies ; ils sont tombés d’accord sur les plus grandes absurdités, et partout où ils semblaient avoir conservé comme une ombre de raison, ils se sont séparés et contredits de façon à devenir des deux côtés un objet de ridicule. En effet, que rien ne puisse sortir du néant, tous à peu près l’ont affirmé, l’ont écrit, avec le plus grand sérieux. Le diable les – a poussés à l’absurde ; mais dans les questions utiles, là où ils semblaient avoir obtenu, comme en énigme, quelque résultat de leurs recherches, ils se sont fait la guerre les uns aux – autres. Sur ces points par exemple : l’âme est-elle immortelle ? La vertu a-t-elle besoin de quelque chose d’extérieur ? Sommes-nous, nécessairement et fatalement bons ou mauvais ?
5. Voyez-vous la malice du démon ? Partout où il s’est aperçu de la perversité de leurs doctrines, il les a fait tomber d’accord ; partout où il a remarqué qu’elles renfermaient quelque chose de sain, il les a brouillés les uns avec les autres ; en sorte que les absurdités subsistaient, appuyées sur leur consentement unanime, et que les notions utiles disparaissaient dans le conflit des opinions. Vous voyez donc comme l’intelligence est faible et ne saurait se suffire ; – et il est juste qu’il en soit ainsi. Car si, en prétendant qu’elle n’a besoin de personne, et en s’éloignant de Dieu, elle n’était devenue ce qu’elle est, dans quel abîme de folie ne serait-elle pas descendue ? En effet, si avec un cors mortel, elle a pu, sur une promesse menteuse du démon, s’attendre à une bien plus haute destinée ; « Vous serez comme des dieux » ; jusqu’où ne serait-elle pas tombée, si ce même corps eût, été dès l’abord immortel ? Car même après la chute, elle a osé, par la bouche impure des manichéens, se dire incréée et d’essence divine ; et à la suite de cette maladie, le démon a forgé des dieux chez les païens.
Voilà, pourquoi, ce me semble, Dieu a rendu la vertu pénible, en forçant l’âme à se courber et à se tenir dans les règles de la modération. Et pour vous convaincre de cette vérité, étudions-la chez les Israélites, en comparant les petites choses aux grandes. Quand leur vie était douce et paisible, ils ne pouvaient porter le poids de la prospérité et tombaient dans l’impiété. Que fit Dieu alors ? Il leur imposa une multitude de lois, pour mettre un frein à leur licence. Et pour bien comprendre que ces pratiques légales ne contribuaient point à la vertu, mais n’avaient d’autre but que de servir de frein et de faire disparaître l’oisiveté, écoutez ce qu’en dit le prophète : « Je leur ai donné des préceptes qui ne sont pas bons ». ([[Bible_Crampon_1923/Ézéchiel|Ez. 20,